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REVUE LITTÉRAIRE

LE CLASSICISME D’ALFRED DE MUSSET

Aux dernières pages du livre charmant et profond qu’elle consacrait naguère à Alfred de Musset, Arvède Barine constatait le discrédit où le poète était tombé auprès des générations nouvelles. Après une période de faveur éclatante, sa gloire subissait une éclipse. Décadente, symboliste, mystique, curieuse de sensations rares et de notations singulières, éprise de toutes les sortes de raffinemens, la jeune école avait délaissé Musset, le trouvant « aussi démodé pour le fond que pour la forme. » Arvède Barine concluait, sans s’émouvoir : « Il attendra. » Depuis lors, il a attendu quinze ans. Beaucoup de choses ont changé dans le monde des lettres. L’école décadente, en s’évanouissant dans ses propres brouillards, ne nous a laissé qu’un besoin plus impérieux de revenir aux principes d’art qu’elle avait méconnus. D’autre part, la période romantique de notre littérature étant désormais entrée dans l’histoire, nous avons commencé de la soumettre à un travail d’investigation et de critique, qui se poursuit activement et fait déjà déborder nos bibliothèques. La réputation de nos grands poètes modernes ne saurait que gagner à cette épreuve décisive. Lamartine n’a jamais été placé plus haut dans l’estime des connaisseurs qu’il ne l’est aujourd’hui : nous rendons enfin justice à des œuvres décriées comme la Chute d’un ange, ou à d’autres qui, telles que les Recueillemens, avaient dans leur nouveauté passé presque inaperçues. Jamais on n’avait mieux démêlé, parmi les multiples élémens qui composent le génie de Victor Hugo, ceux qui lui font un solide édifice de gloire. Jamais on n’avait aussi pleinement honoré