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POÉSIES


VIES PASSÉES


J’ai traversé souvent l’existence et la mort ;
J’ai transmigré partout ; et j’ai surgi d’abord
Sous les flots infinis, silencieux et mornes ;
Puis de la nuit des eaux vers des clartés sans bornes,
Vers l’océan du ciel, plus tiède, plus aimant,
Bête aveugle, à tâtons, j’ai nagé lentement ;
Du fond de la mer froide et de l’ombre première,
Que de siècles j’ai mis à gagner la lumière !
J’étais muet. Soudain le désir fit ma voix ;
De désir je hurlais dans l’épaisseur des bois.
Et je devins l’oiseau ; ma lourdeur prit des ailes…
Enfin, contemplateur des choses éternelles,
Je fus l’homme ; mais l’homme a honte en ses amours
D’être encor trop souvent la bête des vieux jours.


L’IDOLE


D’après un conte de la vieille Égypte.

Un prêtre saint rêvait, assis au bord du Nil ;
Et c’était par un soir aimant, un soir d’avril,
Un de ces soirs brûlans qui troublent toutes choses ;
Sur l’or du ciel passaient des vols de flamans roses ;