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il peut être ingénieux de diviser aujourd’hui les classes, et, les classes constituées par la richesse ne correspondant plus à nos catégories sociales, d’en créer de nouvelles. L’erreur dangereuse serait de ne fonder cette nouvelle classification que sur les différences d’instruction brevetée, dans un pays où ce sont les plus servîtes et avides qui vont avec le plus d’empressement aux écoles et où l’enseignement, donné trop rapidement, est superficiel. D’autant plus qu’ils viennent des dans qui ont été éduqués par les Shervington et ces missionnaires anglais qu’un juge peu suspect de partialité, M. Gautier, a reconnus avoir entretenu et surexcité la méfiance et la vanité hovas : et l’on imagine quelle sorte d’intellectuels ont voulu, — car ils l’ont voulu, — et pu en faire les révérends de la London Sy. Les instituteurs sont obligés de reconnaître que les qualités ne se rencontrent pas tant chez eux que dans le peuple.

Les artisans et agriculteurs, ceux qu’on récompense en France de médailles de travail ou de primes de concours régionaux, les personnes ayant prouvé un caractère moral ou charitable par des œuvres similaires de celles que couronnent en France nos prix de vertu, les bourjanes, robustes, laborieux, gais et intelligens, les plus sympathiques des Malgaches, voilà ceux qui, en principe, doivent constituer la classe sur laquelle la France peut s’appuyer et par laquelle elle peut élever progressivement les autres. Ce n’est pas une aristocratie d’école, mais une aristocratie de travail. C’est le travail qui est l’instrument de progrès et de pacification, c’est le travail approprié et récompensé qui détournera ces peuples instables et enfantins, impulsifs et prêts à l’effervescence, des funestes chimères d’indépendance et de nationalisme indigène où l’oisiveté jette les déclassés, déchets des assimilations mal faites, comme on le voit assez dans l’Inde anglaise. Autrefois le grand roi de l’Emyrne, Andriana, organisait de véritables comices agricoles où il dispensait des lambas et des insignes aux vainqueurs du concours ; tandis qu’il punissait les orgueilleux, il célébrait l’époque des semailles par une distribution solennelle de bêches aux laboureurs méritans : c’est d’un tel exemple que peuvent le mieux s’inspirer nos coloniaux admirateurs du génie hova.