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race entière des Merinas, — la bourgeoisie, dans laquelle rentre peu à peu la noblesse, qui tend à reprendre la suprématie à Madagascar à l’aide des Ecoles et de l’Administration : elle est la classe la moins intéressante, la moins vigoureuse, celle chez qui se rencontrent déjà le plus d’impaludés, voire les neurasthéniques, fait très caractéristique dans un pays neuf. Et voilà à quoi tend un régime moderne appliqué à des races qui n’y sont point préparées par une évolution.

Assimilation, au fond, c’est évolution. On a beaucoup discuté, notamment à l’Ecole coloniale, sur la légitimité et la valeur scientifique de la politique d’assimilation : on oubliait de voir qu’elle a pour principe, rationnel, d’assurer l’évolution et qu’il s’agit seulement de faire respecter ce principe. La colonisation, quoi qu’en pensent les professeurs de l’Ecole, tend infailliblement à l’assimilation, plus ou moins relative suivant le génie des peuples colonisateurs et non suivant les méthodes de leurs universitaires. Si relative qu’on la désire, elle n’a point sa formule suprême dans le protectorat, système qui met les populations africaines, océaniennes ou asiatiques sous la direction de fonctionnaires préparés par les Affaires étrangères dont l’idéologie, commandée par la politique des nationalités, est d’une contingence tout européenne, mais dans la colonisation directe qui, si paradoxal que cela paraisse, laisse l’évolution se faire plus spontanément, dans les meilleures conditions d’égalité, en ne choisissant point pour administrer directement une classe ou race indigène qu’elle aide ainsi à se différencier davantage. On dit avec assez de justesse contre l’« assimilation » immédiate que les indigènes n’ont pas nos habitudes et notre mentalité et qu’on ne peut leur adapter nos institutions administratives, par suite les mettre sous la coupe directe de nos fonctionnaires. Mais qui ne discerne précisément qu’en choisissant une élite, classe ou race parmi les autres classes ou races, en l’éduquant spécialement à ce rôle si complexe d’intermédiaire et en la différenciant donc profondément des autres, on rompt l’équilibre qu’il y avait entre elles, on crée une élite factice et bâtarde qui, devenue le truchement, interpole et falsifie ce qu’elle était chargée de transmettre ? On le voit bien à observer les gouverneurs indigènes dans leurs rapports avec les Français et avec les Malgaches. L’évolution ne peut se faire par classes, systématiquement, mais par individus,