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Or, cette race a beau se renouveler par des élémens campagnards d’autres peuplades, les mœurs et l’esprit de décadence y dominent : à cause de leur intelligence et de séduisantes qualités familiales ou artistiques, un grand nombre d’individus y sont très intéressans et méritent d’être relevés par une éducation française modérée et progressive qui les dénationaliserait sans les « décérébrer » le moins du monde ; mais l’ensemble de leur société est corrompu, vicié, et il ne peut qu’être nuisible d’en prolonger la vie pour l’utiliser en vue d’économies immédiates.

M. Grandidier croit que les Hovas s’amélioreront parce qu’il attribue leurs vices « à l’état social » où ils ont vécu plusieurs siècles et qui vient de prendre fin ; mais cet état s’est perpétué assez de temps pour les déformer profondément et affecter jusqu’à leur physiologie, qui se ressent d’ailleurs encore de ce que, au contraire des gens de la côte, ils n’hésitent jamais à se marier entre cousins germains. Les lauréats des écoles supérieures font des progrès rapides, mais ne peuvent soutenir longtemps leur effort, bientôt touchés d’anémie cérébrale : cela n’offre point un danger grave, quand ils ne jouent, sous notre domination, qu’un rôle tout mécanique d’intermédiaires, renouvelés à chaque génération, et ainsi sont-ils même utiles à leur race ; mais, affranchis de notre direction assidue, ils seraient naturellement appelés à diriger le mouvement politique et le pays ; et, dans leur île qui est voisine non plus de l’Amérique civilisée, mais de l’Afrique, ils constitueraient un État encore inférieur à celui que les Haïtiens ont hérité de Soulouque.

D’autre part, si intéressans que soient un certain nombre de Hovas pris individuellement, il n’est pas certain que ceux-là mêmes soient supérieurs aux autres pour la civilisation, la supériorité ne consistant pas tout entière dans la souplesse à imiter qui dénote une servilité mentale : les races qui s’assimilent le plus lentement sont celles qui s’assimilent d’une manière durable, et l’avenir à Madagascar est réservé peut-être aux Haras, assurément aux Antaimoros, ces Auvergnats de la Grande Ile, rudes mais avisés, doués de vigueur physique et de sens moral : il y a longtemps qu’ils sont appréciés à la Réunion pour leur honnête et tenace labeur agricole. Enfin, les Hovas sont détestés des autres peuplades et il est donc impolitique de les servir. Au surplus, ce n’est pas tant une race qu’une classe, la classe hova, — car c’est par extension que ce mot a désigné la