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vivans lâchés par la rue ; le couteau à la main, on poursuivait la bête saignante ne sautant déjà plus que sur trois pieds.

Ces tauromachies sans grandeur, d’autres coutumes raffinées et veules, leur zézayante jactance dénotent, non point une population sauvage, mais, comme nous l’avons dit, une race civilisée en décadence, ce qu’indiquait déjà leur grande « assimilabilité. » Leur assimilation ne donne point des résultats stables : arrivés à un certain niveau, ils ont la plus souple facilité à tomber dans l’ivrognerie, et de brillans sujets des écoles supérieures ont donné de très vives déceptions. Le Père Piolet a noté chez toute la noblesse des signes effrayans de caducité. Le peuple est un peu moins atteint, quoique touché par la syphilis dans les proportions effrayantes de 80 pour 100. Il se conserve par un reste de vitalité, par ses privilèges de race dominatrice que les Français ont prorogés et parce qu’il se renouvelle par le croisement. Il présente donc encore un ensemble assez robuste qui se maintient par une certaine cohésion, en sorte qu’ils éliminent peu à peu non seulement les Chinois, mais même les commerçans grecs et bientôt, grâce aux leçons des écoles professionnelles, les ouvriers d’art français et les petits colons.

Le général Galliéni, le colonel Roques, M. Deschamps, la plupart des Vieux-Malgaches se sont laissé gagner, malgré les défauts qu’ils lui constatent, à croire à la prépondérance future de la race hova, à l’envisager avec complaisance et à y travailler. Le général Galliéni a déclaré un jour qu’il « comptait rendre la main aux Hovas. » Or leur patriotisme n’est point simplement l’amour de la terre qu’y a vu M. Carol, ils acquièrent de plus en plus une conscience ; nationale et même nationaliste : M. Descchamps, qui a un sens ethnologique très fin et très éveillé, l’a reconnu avec nous, ils ont en leurs destinées prochaines une grande confiance qu’exagère leur infatuation, ils s’instruisent avec plus d’avidité que nos paysans dans les villages. Plusieurs, parmi les gouvernans français, escomptent que, comme les Japonais, avec qui ils ont parfois une si déconcertante ressemblance physique, ils arriveront, plus lentement il est vrai, à s’approprier les industries européennes pour nous évincer ensuite. Le scepticisme des Français, voire le cynisme de certains à afficher leur indifférence à l’avenir et leur internationalisme vulgaire, la façon même dont on admire l’intelligence des Hovas en les méprisant, les inclinent d’autant à préméditer notre expulsion