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certains d’entre eux sont durs pour les indigènes, mais la plupart se trouvent désarmés devant la fainéantise insaisissable du Malgache et fort embarrassés entre les ordres de Tananarive qui les pressent de dépenser le minimum, en faisant rentrer le maximum, et les prescriptions philanthropiques de la Métropole.

Si une partie de leurs pouvoirs de police était transmise à des juges, l’administration deviendrait absolument impossible ; car le corps judiciaire est en sa majorité imprégné d’un esprit à la fois vague et autoritaire d’humanitarisme qui l’induit toujours à donner raison, ostensiblement et avec malignité, à l’indigène à cause de ses droits de « possesseur » naturel et donc légitime du sol, et à débouter de ses plaintes le colon, sans tenir compte des circonstances et des sacrifices. Déjà une rivalité aigre-douce est latente entre les fonctionnaires des deux corps qui, communément jaloux de leurs prérogatives, sont animés de préventions les uns contre les autres et souvent surexcités de dédain. Elle deviendrait plus aiguë, au grand dommage de la colonisation. Au contraire, tous les administrateurs s’accordent à réclamer qu’on leur enlève la juridiction des Européens : elle ne chargerait point d’un lourd supplément de besogne les magistrats et elle oblige les administrateurs dénués de sérieuses connaissances juridiques à un travail d’autant plus considérable qu’il est très délicat de condamner des vahazas : mille questions politiques et ethniques se mêlent insidieusement ; aussi n’ont-ils plus grand loisir pour s’occuper d’administration.

Le reste de leur temps est pris par les rapports multiples qu’on leur demande, dont quelques-uns s’acquittent avec un zèle absorbant, qui occupe les meilleures heures de ceux-là mêmes qui, au jugé, mettent les premiers chiffres venus, comme ils vous le déclarent avec rondeur. Déjà, en Algérie, pays depuis longtemps conquis, et sur lequel les travaux privés abondent, les administrateurs nous avaient montré à quel point on les accablait de questions inintelligentes auxquelles ils répondaient toujours de la même façon par les calculs approximatifs les plus aléatoires ; à Madagascar, pays neuf, les enquêtes officielles étant plus légitimes, on en a abusé : les dossiers viennent s’accumuler à la direction centrale où un officier d’ordonnance, célèbre dans toute l’île pour la rapidité avec laquelle, sur un mot de son chef, en une nuit, il composait une copieuse étude économique, artistique