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(1905-1900), des indemnités supprimées, des crédits supplémentaires sabrés par le docteur Augagneur, plus militaire que le général, dans une campagne d’exécutions économiques.

Les irrégularités de conduite des administrateurs vis-à-vis de nos sujets sont plus malaisées et dangereuses à vérifier, à cause de la spontanéité même des Malgaches à la délation et à la calomnie. Sans doute l’Européen, exaspéré par un climat souvent énervant, abuse de la complaisance des femmes et de la timidité des maris, qui n’en restent pas moins, dans leur soumission, profondément blessés. Pour légitimer leurs impérieuses fantaisies, ils ont émis en adage que toutes les ramatoas sont des prostituées et que les indigènes se trompent familièrement entre eux : on leur fait donc un honneur en se mêlant à leurs adultères. Mais si l’état d’infériorité mentale où est tenue la femme malgache la laisse en effet volontiers passive devant le premier homme venu, il n’est nullement vrai qu’il soit absolument indifférent, « voire agréable, » aux hommes d’être trompés. A l’ordinaire, les fonctionnaires mariés sont plus réservés ; reconstituant une vie de famille charmante et fleurie dans les jardins vicinaux où ils ont acclimaté le mûrier et fait courir les pampres sur des treilles ouvragées par des écoliers malgaches, ils multiplient ainsi çà et là dans la grande île fauve et broussailleuse les sujets de la douce France. Ils sont alors l’objet du respect, parfois affectueux, des indigènes qui s’empressent avec un culte mignard pour les enfans européens et sont reconnaissans au père assez confiant en eux pour amener les siens avec lui dans ses tournées, bébés rosés, les yeux grands ouverts sur le visage noir d’une nénaine, qui les berce d’une ritournelle madécasse, fillettes aux joues chaudes de santé sous le casque. Les Malgaches ont le sentiment artistique et l’attendrissement caressant de leur délicatesse ; c’est par la grâce des enfans de France que ces peuplades puériles et musiciennes peuvent être le plus subtilement gagnées à notre civilisation. Dans plusieurs chefs-lieux où se rencontrent des ménages, nous avons vu les indigènes aimables, adoucis et familiarisés avec quelque attrait à notre domination. Au contraire, on devrait éliminer les couples français tapageurs, les maris trop complaisans, sujet quotidien des entretiens malins dans la fumée qui ne s’évapore jamais des cases indigènes. Dans les grandes villes, les scandales se répètent ; il s’y étale une corruption bruyante et vulgaire où notre race