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quelques heures après ; le second pâlit, salua et signa depuis lors les mesures draconiennes[1] et les ordres d’arrestation. Il est universellement méprisé des Malgaches et redouté puisque les vainqueurs le maintiennent aux premières dignités. Il en a été de même dans les provinces où, par une nécessité des périodes de transition, nous n’avons le plus souvent trouvé pour nous servir que les traîtres, les concussionnaires ou les Hovas qui guettaient l’occasion de reprendre la tyrannie sur les populations qui les avaient chassés lors de la victoire de nos troupes et qui ont exercé leurs vengeances en rejetant sur le nom français la haine des opprimés. Le gouverneur Galliéni a pu intelligemment leur substituer des fonctionnaires provinciaux, mais ils n’étaient ni nombreux ni capables, et, on le verra de plus en plus, le système général d’administration avec son appareil d’écoles spéciales tend à refaire l’hégémonie hova.

« Le grand soin apporté au recrutement des agens malgaches, conclut sur ce chapitre un rapport du général Galliéni (1905), a permis d’augmenter le nombre de ces derniers, de diminuer par voie de conséquence l’importance de l’élément administratif français. » En effet, les dépenses du personnel indigène montent de 980 000 francs, en 1896, à 3 650 000 francs en 1905, mais à notre sens cette sorte de progrès est extrêmement dangereuse. Sans doute, selon l’évolution des idées sur la colonisation, il s’agit heureusement de ne pas exploiter les races inférieures, mais de les éduquer ; toutefois, cette éducation doit se faire à l’école, au travail (agricole ou industriel), non dans les bureaux et par l’exercice de fonctions qui exigent elles-mêmes au préalable une longue éducation, une pratique ancestrale de l’honnêteté, et l’adaptation à un régime administratif d’esprit tout européen.

Il est vrai que le corps métropolitain d’administrateurs à qui devrait, selon nous, revenir de plus en plus le soin de diriger les indigènes, a provoqué de vives accusations. Chaque année, les députés d’extrême gauche adressent des interpellations contre lui, ne portant d’ailleurs presque jamais à la tribune que des faits isolés, rares, des preuves douteuses, et les ministres aux gestes faciles ont beau jeu pour rejeter les accusations d’hommes qui ne furent jamais aux colonies et disposent de notions

  1. Un journaliste l’a attaqué en l’appelant « traître à son ancienne patrie. » C’est une sentence de pure rhétorique : il n’y avait pas de patrie sous Ranavalo. mais à peine une camarilla… Il est nécessaire de le dire à Paris.