Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/850

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fond, après examen de ceux qui les reçoivent actuellement, visages obséquieux et Aines traîtresses, on arrive à regarder les appointemens excessifs des gouverneurs principaux comme des subventions politiques servies aux grandes familles afin de se les acquérir. Le remède à la vénalité ne saurait donc être dans une augmentation d’appointemens, — il est seulement juste de demander que le Gouverneur Général seul puisse prononcer les suspensions de solde des employés indigènes et les fasse toujours insérera l’Officiel, — mais dans l’interdiction à ceux-ci de servir dans les régions où ils ont de gros intérêts, d’acquérir des terres et des troupeaux dans celles où ils exercent leurs fonctions, d’employer à leur bénéfice des prisonniers, ou de la corvée. Les membres de l’aristocratie actuellement pourvus de postes lucratifs sont foncièrement voleurs : ce n’est que par une lente éducation, l’exemple d’Européens intègres et une sévère discipline, qu’ils acquerront le sens de l’honnêteté, amendant ainsi un atavisme séculaire qu’explique leur suprématie d’usurpateurs. A plus forte raison ne saurait-on créer, comme il en est question, trois ou quatre emplois d’inspecteurs en chef indigènes, « recrutés parmi les gouverneurs de première classe réunissant de longues années de service et signalés comme honnêtes et dévoués, par leurs chefs hiérarchiques. » L’espèce ne s’en multipliera pas de longtemps. L’exemple de l’Algérie et l’expérience de Madagascar sont là pour le prouver : de même que dans révolution ce ne sont point les espèces supérieures d’un âge géologique qui ont survécu dans l’âge suivant et y ont prolongé le progrès de la vie organique, l’assimilation de la race conquise à la civilisation de la race conquérante ne s’accomplit jamais par les indigènes supérieurs : ils restent généralement fidèles au passé, ne s’asservissent point aux concessions ; ce sont ceux qui s’adaptent avec souplesse et hypocrisie et prospèrent au détriment des autres qui font la transition entre l’ancienne race conservatrice et la nouvelle race modifiée où les générations ultérieures seules produisent des êtres moraux et dignes.

Au fort de l’insurrection de 1896, le Gouverneur Général manda les deux principaux conseillers de Ranavalo et, sans commentaires, leur donna à choisir entre le peloton d’exécution et les plus hautes fonctions désormais pourvues de somptueux appointemens : le plus honnête et fier refusa avec les honneurs la charge d’instruire et de diriger la répression : il fut fusillé