Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/847

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aisément plus sages que 1rs nôtres, peuvent imposer aux appétits gloutons, aux soifs électorales ; mais, en ce qui concerne particulièrement le chemin de fer, le contrôle local eût pu être facilement plus strict et méthodique, il eût pu être réel.

Autant que celui de crocodile, qui symbolise la voracité poulie colon européen, le mot chemin-de-fer reste horrible, fatidique, dans les imaginations malgaches et ils gardent une idée sinistre de la civilisation. Notre régime de la main-d’œuvre achève de la représenter pour eux sous un jour néfaste. Ils étaient habitués à remplir des corvées, mais leur mentalité n’était pas apte à accepter une organisation universelle du travail et des lois contre le vagabondage, qui en Europe même soulèvent tant de réfractaires et qui désagrègent singulièrement la souveraineté du peuple. Un acte de 1896 oblige tous les Malgaches à entrer dans des catégories prévues de travailleurs, en leur infligeant des peines pour manquemens aux contrats. Le code de l’indigénat, qui est entré dans les usages coloniaux de la France et qui, en Cochinchine, en Nouvelle-Calédonie, au Sénégal, même en Algérie, donne des pouvoirs disciplinaires étendus aux administrateurs, s’obstine à maintenir l’indigène sous la contrainte des fonctionnaires. Un arrêté de 1901 a permis de transposer les amendes en journées de travail, et cette disposition est intelligente, mais elle a facilité aux chefs de district soucieux d’avancement le moyen de fournir à la direction des Travaux publics autant de coupables que le chemin de fer avait besoin de journées de travail. Le général Galliéni a pris une mesure excellente pour sauvegarder les Malgaches en soumettant les détenus de l’administration aux inspections des magistrats qui se sont toujours maintenus dans une réelle indépendance vis-à-vis du pouvoir local ; et l’envoi mensuel au gouverneur du relevé des punitions infligées en vertu du code de l’indigénat l’arme suffisamment pour contrôler le zèle judiciaire des administrateurs dès qu’on n’aura plus besoin de corvées supplémentaires pour le chemin de fer.

Une modification donnerait véritablement à l’indigène la jouissance d’une certaine liberté ; il s’agirait de circonscrire la zone de travail des corvéables : en ne leur faisant exécuter de tâche que dans leur province, ils prennent conscience de la nécessité des besognes qu’ils accomplissent et du profit qu’ils en retireront, ainsi ils s’adaptent à notre civilisation. Autant les travailleurs que nous rencontrions sur la voie ferrée dans un paysage de