Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/845

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La corvée, acceptée assez aisément sous des rois comme Andriana qui faisaient exécuter, les grands travaux de propriété collective tels que les digues de l’Ikopa, parce que les sujets en reconnaissaient la nécessité, était devenue odieuse, et, tombant sur les meilleurs artisans, une prime à rebours à la paresse ou à la maladresse. Pour les Français qui héritaient du passif fort obéré de la monarchie hova et avaient en outre à entreprendre des travaux publics considérables, la nécessité s’affirmait de recourir à cette antique institution, d’autant que l’esclavage était aboli. Des arrêtés déterminèrent pour les hommes valides l’obligation de 50 à 30 jours de travail gratuit au fanjakane (gouvernement) en allouant une indemnité de vivres. Bientôt, — mesure politique imposée par les principes humanitaires des journalistes métropolitains qui trouvent la corvée odieuse pour les noirs plusieurs siècles tenus sous l’esclavage, alors quelle subsiste dans les villages de France, — le régime des prestations fut supprimé le 31 décembre 1900, ce qui força à augmenter la taxe personnelle. Le paiement de cette taxe ne pouvant s’effectuer en argent pour la majorité des Malgaches, ceux-ci devaient donner en échange des journées de travail. L’arrêté du 31 décembre, qui avait le faste d’un don de nouvel an, n’était donc qu’un subterfuge, une simplification fiscale. Le gouvernement de Madagascar y avait recours dans la situation pénible et très embrouillée que lui créait le Département, ignorant des questions coloniales et curieux de publicité parisienne comme il appert de maintes circulaires, — situation encore aggravée par l’urgence de continuer rapidement de grands travaux publics laissés entièrement à ses frais et par suite de recruter une main-d’œuvre abondante et économique qu’elle devait mettre sous les ordres d’agens pris dans tous les corps au lendemain d’une expédition répressive où bien des appétits s’étaient aiguisés.

Qu’en est-il résulté ? Sur les chantiers du chemin de fer, les indigènes, enlevés par force de leurs lointains villages, étaient astreints aux besognes les plus pénibles pour leur indolence ou leur amour-propre, battus, emprisonnés et retenus pendant plus d’un an quand on leur avait promis de ne les garder qu’un mois. À ce sujet l’opinion est unanime à Madagascar. Le gouvernement répond à cette accusation, qui ne saurait être sans quelque fondement, par une dénégation systématique. Il nous semble certain que l’administration supérieure a pris toutes les mesures