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anémiés par la chaleur et dégradés par l’alcool, le sont moins que les Hovas ; de même les Sakalaves, indisciplinés par un long atavisme de brigandage, et cependant les instituteurs se déclarent très satisfaits des résultats qu’ils en obtiennent : M. Deschamps, le directeur de l’enseignement, qui s’attache à ses pupilles avec un sentiment et un zèle tout inspirés d’une psychologie minutieuse et patiente, a une prédilection pour son Ecole normale d’Ananalava. En leur ensemble, les Malgaches sont parfaitement susceptibles de progrès ; sans nul doute, il ne viendra qu’avec la confiance, lente à se décider, et avec l’apaisement des instincts et des mœurs qu’a développés une longue période d’anarchie belliqueuse et de tyrannie brutale ; sans nul doute aussi, il résultera moins d’un effort profond et original que de l’imitation, malgré l’ingéniosité de ces peuplades : c’est qu’elles-mêmes ont nettement la conscience, aiguisée par leur sagacité, de la supériorité des vainqueurs ; et elles l’acceptent passivement. Le plus sérieux argument qu’on oppose toujours à la possibilité de leur perfectionnement, même lent, est que leur paresse reste incorrigible : elle l’est, si l’on parle de correction, mais non s’il s’agit de reconstituer d’abord les forces physiques de la race. Il est déjà aisé de discerner çà et là chez les plus vigoureux des dispositions au travail qui se réveillent une à une de l’apathie séculaire, en désordre, avec une instabilité qui ne pourra se contenir sérieusement qu’au terme d’une évolution de plusieurs générations. Dans les anciennes colonies, en dépit de ce qui a été écrit sur leur indolence native, des familles descendant des esclaves recomposent peu à peu depuis 1848, au milieu de la dégénérescence des autres, une classe laborieuse.

M. Besson, qui habite depuis vingt ans parmi les Betsileos et les a longtemps gouvernés, a observé qu’ils avaient vaincu leur paresse pourtant invétérée sous la longue tyrannie hova par le découragement de jamais rien sauvegarder : ils ne sortaient autrefois des enclos de cactus où ils s’entassaient pêle-mêle avec les nichées de rats, ils vont aujourd’hui sur les chemins, à dix jours de route, porter à Mananjary leurs propres récoltes. Particulièrement dans les grandes villes, le contact des Européens produit des effets presque immédiats ; il s’effectue une sélection assez rapide : beaucoup acquièrent des vices avec des besoins de luxe ; le vol et la prostitution se développent, sur les trottoirs se multiplient, les jeunes faux-cols qui vont aux Ecoles