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MADAGASCAR

IV[1]
L’ADMINISTRATION FRANÇAISE ET LES FONCTIONNAIRES INDIGÈNES

A Tananarive, un soir, sur l’esplanade du Rova restauré par les Français, tandis que sous un crépuscule fumeux et mauve s’argentait à ses courbes l’Ikopa rampant au loin dans les brumes, un vieux sous-officier qui avait pris part à la campagne de 1895, en regardant le paysage illimité, confiait ses souvenirs : dysenterie, insolations, accès pernicieux, — au camp tous les matins un compagnon se suicidait, — une route inutile à tailler à midi dans des savanes plates, les piétinemens commandés dans les marécages, l’eau des rivières empoisonnée, les camarades que les souliers à clous faisaient glisser des chalands dans la Betsiboka où les crocodiles les happaient, le manque de quinine, la rareté du tabac, le pays invariable, nu, rouge, hallucinant les yeux, affolant l’esprit… Tananarive annoncé chaque jour à l’horizon.

C’est de là, des créneaux de cette citadelle de la capitale qui, avec ses Palais d’argent, ses marchés à viandes, ses grappes de maisons orangées pendues aux remparts, avait été le but à la longue fabuleux de tant d’étapes désespérées, qu’il était

  1. Voyez la Revue du 15 janvier, du 15 mars et du 1er avril.