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plus efficace. Tout progrès qu’elle réalisera aura son prix. Et si, par une procédure simplifiée, on arrive à la faire jouer en quelque sorte mécaniquement, on diminuera les risques de guerre dans la mesure où, faute de ce calmant, la nervosité de l’opinion les crée ou les aggrave[1].


Après les explications échangées, les réserves énoncées et acceptées, il n’est pas à craindre, semble-t-il, que de graves conflits éclatent à La Haye. A supposer, toutefois, qu’ils deviennent probables ou possibles, ce serait le rôle de la France d’essayer de les prévenir en faisant, à défaut de la politique du plus grand bien, celle du moindre mal. Pour cela, il importe d’apporter dans les délibérations un mélange de scepticisme et de loyauté : — de scepticisme, car il serait dangereux de croire à un succès complet, alors que, dans le débat sur les armemens terrestres, l’Allemagne et l’Autriche s’abstiendront et que, dans celui qui s’ouvrira sur les guerres navales, l’Angleterre, vraisemblablement, se retirera ; — de loyauté, car la mauvaise humeur, l’ironie, la surenchère deviennent, appliquées à de certains problèmes, un crime contre l’humanité. En présence de cette situation délicate, l’opinion française trouve un réconfort dans l’étude de la première conférence et de la place qu’y ont tenue nos représentans. Sans y sacrifier nos intérêts positifs à un idéalisme imprudent, ils ont mis au service d’une entente, même théorique, leur droiture, leur science et leur souplesse. Ils furent, en plus d’une circonstance, — : suivant l’expression dont s’est servi un jour le regretté président de la conférence, M. de Staal, mort l’an passé, — les « sauveurs » de la négociation. Et si des échecs pénibles ont été évités au prix de transactions souvent insuffisantes, mais toujours honorables, c’est à M. Léon Bourgeois qu’à plusieurs reprises en revint l’honneur[2]

  1. Parmi les questions non inscrites au programme que pourrait examiner la conférence, M. Van Daehne van Varick, auteur de plusieurs travaux sur l’Acte final de 1899, indique une « Convention relative à la protection des capitaux empruntés par les États étrangers. » (Cf. le Droit financier international devant la conférence de La Haye, La Haye, 1907.)
  2. Toutes les questions relatives au programme de la conférence de La Haye ont d’ailleurs été minutieusement étudiées en ce qui concerne la France par une commission interministérielle qui a tenu au quai d’Orsay dix séances. Cette commission comprenait MM. Léon Bourgeois et Louis Renault, plénipotentiaires de France à la conférence, M. Georges Louis, directeur des Affaires politiques et commerciales au ministère des Affaires étrangères, le général Amourel, le contre-amiral Arago, MM. Chapsal, directeur au ministère du Commerce : Fontaine, directeur au ministère du Travail ; Fromageot, avocat à la Cour d’appel ; de Loynes, secrétaire d’ambassade de première classe. Ce dernier remplissait les fonctions de secrétaire. La commission était présidée, soit par M. Bourgeois, soit par M. Louis.