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puissances aux grandes. Peut-être, d’ailleurs, avant de songer à compléter la convention dont, il s’agit, devrait-on s’assurer qu’elle est respectée. Or, les règlemens en vigueur dans certaines armées européennes contredisent sur plus d’un point ses dispositions. Si l’on se reporte à la publication officielle allemande de 1902 intitulée : Kriegsbrauch un Landkriege, on constate que ce document, postérieur de trois ans à la convention de La Haye que l’Allemagne a signée, ou ignore cette convention et s’abstient de la mentionner, ou même en prend le contre-pied. Bien plus, il ressort de ce texte que, pour l’état-major allemand, le droit de la guerre « n’est pas une loi écrite mise en vigueur par des traités internationaux. » Alors, qu’est-ce que l’Acte final de La Haye ? Et à quoi sert-il ? Et surtout, que représente-t-il pour les généraux allemands ? C’est là une question qu’il vaudrait la peine de poser. La posera-t-on ? C’est douteux[1].

La Russie se préoccupe d’autre part de « l’ouverture des hostilités. » Il est clair que, ce faisant, elle pense aux conditions dans lesquelles s’engagea la guerre russo-japonaise, c’est-k-dire sans déclaration préalable, à la suite, purement et simplement, de la rupture diplomatique. Mais ici encore il est fort improbable qu’on puisse s’entendre. La France en 1870, la Russie en 1877, ont « déclaré » la guerre ; mais l’Angleterre a toujours soutenu que cette formalité n’est pas indispensable et que, les relations diplomatiques une fois rompues, les hostilités peuvent commencer sans autre notification. On doit aussi examiner à La Haye la question du renouvellement de la déclaration de 1899 proscrivant l’emploi des ballons pour le jet des projectiles. Cette déclaration qui ne valait que pour cinq ans est en effet périmée depuis le 1er janvier 1905. Mais à l’heure même où toutes les armées étudient et développent le rôle militaire des aérostats, il est douteux que l’on consente à le limiter par un engagement général. La même raison, qui empêchait naguère l’accord de s’établir contre les torpilleurs, sous-marins s’opposera sans doute au renouvellement de l’accord contre les ballons. Du moment que les armemens ne sont pas limités, comment un pays se priverait-il des avantages qu’il espère devoir à l’ingéniosité de ses savans

  1. Les contradictions entre le règlement allemand et la Convention de La Haye ont été parfaitement mises en lumière dans une remarquable étude de M. Mérighnac, professeur à l’Université de Toulouse (Revue générale de droit international public mars-avril 1907).