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risque politique, c’est que, si une discussion s’ouvre à laquelle d’ores et déjà on sait que deux grandes puissances ne veulent pas prendre part, ce débat sera l’occasion de groupemens qui ranimeront la légende, apaisée, semblait-il, de « l’isolement » et de « l’encerclement : » sera-ce un bénéfice pour la paix morale de l’Europe ? Le risque militaire, c’est que cette discussion, par son échec inévitable, donnera un coup de fouet à l’activité guerrière de tous les peuples, et de ceux-là mêmes qui auront pris position en faveur de la limitation des armemens. S’agit-il de l’Angleterre ? Nous savons déjà par les discours de M. Robertson que, si la conférence n’aboutit pas, elle mettra en chantier de nouveaux cuirassés. Croit-on que la « Ligue navale allemande » n’en profitera pas pour demander une augmentation des constructions navales de l’Empire ? Qui ne sait, d’ailleurs, qu’en ce moment même, dans un pays notoirement pacifique comme l’Espagne, plus d’un homme d’Etat se félicite que le gouvernement royal ait appuyé la proposition anglo-américaine : car, remarque-t-on, lorsqu’il sera avéré que cette proposition ne peut avoir de suite, l’Espagne n’en sera que plus libre pour reconstituer sa flotte ? Il est clair au surplus que les puissances mêmes qui prendront part au débat y apporteront un extrême scepticisme. La Russie, depuis six mois, n’a cessé de répéter qu’elle le verrait s’engager avec regret. L’Italie, depuis le dernier discours de M. Tittoni, ne parait pas devoir y dépenser grande ardeur. La France y collaborera loyalement à cause de son intimité avec l’Angleterre et du succès que le pacifisme rencontre sur quelques-uns des bancs de la majorité ministérielle, mais sa confiance ne va pas plus loin. Les Etats-Unis sont liés par l’initiative qu’ils ont prise ; toutefois, depuis plusieurs semaines, ceux qui ont eu l’occasion d’approcher M. Roosevelt et son secrétaire d’Etat ont l’impression qu’ils se borneront à soutenir l’Angleterre en lui laissant le soin de « mener le jeu. » A Londres même, le premier ministre excepté, la proposition anglaise ne compte guère de partisans. M. Balfour l’a qualifiée de benevolent platitude. Qui sait si sir Henry Campbell Bannerman, gagné par le découragement que trahissait déjà son discours de Manchester, ne se décidera pas à se contenter, sans exiger une discussion à fond, de quelque formule avantageuse, analogue à celle de 1899 ? Pour tout dire d’un mot, si nous sommes assurés que le débat sur la limitation des armemens n’aboutira pas, nous