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Les États-Unis n’en voulaient pas pour les questions de canaux. L’Allemagne enfin, plus nette encore, déclarait « qu’elle n’était pas en état d’accepter l’arbitrage obligatoire. » Force fut donc à la troisième commission de se rejeter sur l’arbitrage facultatif et de l’organiser de son mieux. Mais ici encore, les obstacles qu’elle rencontra réduisirent singulièrement la valeur de son œuvre. Il s’agissait pour elle de créer, dans un cadre facultatif, une institution durable à laquelle on pût toujours s’adresser. Ce devait être le rôle, utile, sinon décisif, de la « Cour permanente. » Mais cette permanence même, prévue par trois projets, un russe, un américain, un anglais, provoqua des défiances. Si la Cour était trop forte, ne deviendrait-elle pas une gêne pour les puissances ? La question étant ainsi posée, il était clair que l’impuissance de la Cour permanente serait la rançon de son existence. Un moment même, on put croire que l’Allemagne refuserait de l’accepter. Lorsqu’on eut obtenu l’adhésion de Guillaume II (28 juin), on n’en fut que plus résolu à aboutir à tout prix, — au prix même d’un affaiblissement sensible de l’institution nouvelle. C’est pour cela que la Cour, permanente de nom, cessa d’être un tribunal fixe se réunissant tous les trois mois, pour devenir une liste d’arbitres dans laquelle on choisirait des juges pour chaque cas particulier. C’est pour cela que cette liste même fut étendue outre mesure, afin de donner à ses membres une moindre autorité. C’est pour cela qu’au lieu de confier à un bureau institué à La Haye l’obligation de rappeler aux puissances en conflit l’existence de la justice arbitrale, on remit ce soin à l’ensemble des puissances qui, par crainte de se compromettre, devaient évidemment s’abstenir. Ainsi s’évanouissaient peu à peu les dispositions qui eussent pu armer le tribunal de La Haye d’instrumens efficaces. De même, en ce qui concerne la procédure, la faculté de ne pas motiver la sentence faussait le caractère de l’arbitrage qui, s’il existe, doit, suivant la formule du docteur Zorn, délégué allemand, être une sentence de droit[1].

L’Acte final fut rédigé dans le même esprit et sous l’empire des mêmes nécessités. Il ne fut en réalité qu’une table des

  1. L’Acte final de La Haye (Convention sur l’arbitrage, articles 52 et 55) comporte le jugement motivé. Mais comme l’article 30 porte que les règles de procédure fixées par la Convention ne sont applicables que « en tant que les parties ne sont pas convenues d’autres règles, » l’ensemble de la procédure adoptée par la conférence demeure purement facultatif.