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gouvernement français avait cru parfois utile d’avoir à l’étranger un journal à sa solde ; il en avait tiré peu de profit ; on ne tardait pas à savoir la vénalité de la feuille achetée, et on n’attachait plus d’importance à ce qui y était contenu. Bismarck n’achetait pas un journal mais il achetait un ou des journalistes dans chaque journal important, le rédacteur en chef lorsque c’était possible, ou, à défaut, un simple rédacteur dont nul ne soupçonnait les attaches. En général, ce vendu se signalait par le caractère farouche de son patriotisme ; très opportunément, suivant qu’il convenait à la politique prussienne, il calmait ou excitait l’opinion. Le système était beaucoup plus efficace et beaucoup plus économique ; il revenait à bien meilleur compte que l’achat d’un journal. En France, c’était le consul prussien Bamberg, homme remuant et distingué assisté par le journaliste Bethmann, attaché à une des principales feuilles françaises, qui enrégimentait et conduisait la phalange des coopérateurs soldés. Je connais le nom de la plupart de ces malheureux.


XI

Dans le Sud, on ne discutait pas finances. L’activité politique y était arrivée à l’état aigu. Les élections législatives de mai 1869, au scrutin à deux degrés, n’avaient pas produit en Bavière le même résultat que celles au Parlement douanier faites par le suffrage universel. Le parti autonome et le parti prussien se trouvaient en nombre égal, et dès le lendemain de la réunion des Chambres[1], apparut l’impossibilité de constituer une majorité. Sept tours de scrutin pour la nomination du président avaient donné l’égalité des voix (171 à 171). La Chambre fut dissoute (6 octobre). Le ministre de l’Intérieur Harman et le ministre des Cultes Geser firent des élections à poigne. Ils coupèrent arbitrairement les circonscriptions électorales et, unis aux progressistes avancés, ne reculèrent devant aucune manœuvre contre les conservateurs ultramontains, qui réclamaient la révision des traités avec la Prusse. Les élections du premier et du second degré (16 et 25 novembre) consacrèrent la défaite de ces deux ministres. Le mouvement de l’opinion publique bavaroise déjoua tous les obstacles et les conservateurs patriotes

  1. 21 septembre 1869.