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côté du roi de Prusse, arrêta net la marche triomphale du général victorieux. Frédéric II exécuta une diversion dont il avait conçu le plan depuis longtemps déjà dans le Sud de la Moravie. Le fractionnement des forces autrichiennes en vue de l’occupation de la Bavière entraînerait indubitablement l’évacuation de la Bohême : or elle ne devait être abandonnée à aucun prix. Marie-Thérèse renonça à la continuation d’une campagne glorieuse en Bavière.

Khevenhüller reçut l’ordre d’envoyer 12 000 hommes en Bohême ; s’il voulait les commander lui-même, il en avait la latitude ; sinon, il devait confier le commandement à un maréchal de camp. Il obéit, quoiqu’il eût un profond chagrin d’amoindrir ainsi son corps d’armée : il ne put pas se résigner cependant au rôle d’un « subalterne » en rejoignant le gros de l’armée. Il investit donc le comte Mercy du commandement des troupes détachées, et il resta en Bavière, où « il voulait avoir l’honneur de mener à bonne fin ce qu’il avait entrepris et depuis longtemps préparé. » Mais il refusa net, quand Marie-Thérèse lui demanda 1 500 hommes encore, et ne put s’abstenir de la remarque qu’on eût mieux fait de l’envoyer avec toute son armée en Bohême aussitôt après la prise de Lintz, puisque l’on avait des vues spéciales au sujet de ce pays de la couronne et que l’on jugeait que les forces militaires n’y étaient pas assez nombreuses. Il ajouta, avec une certaine amertume, que « des ordres de service ne pouvaient lui parvenir dans des momens où, sans faire du tort Sa Majesté et malgré l’obéissance due, il lui serait impossible de les exécuter. »

Quoique Marie-Thérèse ne prît pas en mauvaise part ses explications dépourvues d’artifice, et qu’elle ordonnât même le renvoi de deux régi mens de cavalerie, la faculté d’agir de Khevenhüller n’en était pas moins paralysée. Que lui importait maintenant la chute de Reichenhall, de ce dernier fort bavarois, survenue le 30 mars, et qui se trouvait sur les derrières de l’armée d’opération ? Les nouvelles reçues de Bohême devenaient de plus en plus mauvaises et le forçaient finalement, vu le nombre réduit de ses troupes, à se tenir sur la défensive. Sa mauvaise humeur se changea en colère quand il apprit qu’on avait évacué Munich, parce que l’ennemi se trouvait déjà à Freising. Il ordonna immédiatement une réoccupation, qui eut lieu effectivement le 6 mai 1742. Maintenant il s’agissait d’assurer