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Haute-Autriche que quelques fractions de ses troupes et, en obliquant au Nord, un corps d’armée français.

Vienne se trouvant dégagée par suite de ce mouvement stratégique et les troupes destinées à sa défense étant devenues disponibles, Khevenhüller eut une idée audacieuse : il conseilla à Marie-Thérèse de ne plus se tenir sur la défensive à l’égard des Français et des Bavarois, mais de prendre hardiment l’offensive. La fille de Charles VI ne manqua jamais du courage le plus viril, pas même à ce moment de détresse suprême, où la Silésie était déjà perdue, et où l’ennemi avait étendu son pouvoir sur la Haute-Autriche et la Bohême. Elle consentit donc à l’exécution de ce coup hardi et, remplie d’espoir, elle confia le commandement à celui qui le lui avait conseillé. Ce fut le 20 décembre 1741 que Khevenhüller quitta Vienne au milieu des ovations de la population et accompagné de ses bénédictions. Il justifia brillamment la confiance que Marie-Thérèse avait mise en lui. Au mois de janvier de l’année suivante, il avait déjà reconquis toute la Haute-Autriche, sa capitale Lintz exceptée, ou les Français s’apprêtaient à la résistance la plus énergique.

« Prendre Lintz à l’assaut » ne paraissait pas être une entreprise raisonnable : elle devait exiger le sacrifice de beaucoup trop de monde et de beaucoup trop de sang. Que cette ville restât bloquée, c’était l’avis de Khevenhüller, à qui il serait possible, pendant ce blocus, de s’emparer du pays d’origine de Charles-Albert et de prendre Munich. Ce n’est que pour céder à l’insistance de Marie-Thérèse, qui attachait une grande importance « à ce qu’on fit une prompte fin à l’affaire, » que Khevenhüller se décidât à attaquer Lintz de vive force.

Pendant qu’il était en train de préparer cette entreprise, on vit arriver au quartier général de Freising le grand-duc François chargé de transmettre au maréchal le portrait de Marie-Thérèse et de Joseph avec la lettre autographe suivante de la reine :


« Cher et fidèle Khevenhüller !

« Tu as ici devant tes yeux une reine abandonnée par tout le monde, avec son héritier mâle. Que penses-tu que puisse devenir cet enfant ?

« Vois, ta gracieuse souveraine s’offre ici à toi, comme à un dévoué ministre, et avec elle toute sa puissance, et tout ce que notre empire peut donner et contient. Oh ! héros et fidèle vassal,