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Publier le journal de Jean-Joseph Khevenhüller était depuis bien des années mon intention, — on pourrait même dire, depuis que j’en pris connaissance pour la première fois. — Si ce désir depuis si longtemps caressé ne se réalise que fort tard, il faut en imputer la cause à des circonstances qu’il serait fastidieux d’expliquer ici. Mais dès qu’on a fondé une « Société consacrée à l’étude de l’histoire de l’Autriche des derniers siècles, » Société dont j’ai l’honneur de faire partie, je me suis immédiatement promis de contribuer, selon mes faibles moyens, à l’accomplissement de la noble tâche qu’elle s’est donnée. En compagnie de mon ami le docteur Hanns Schlitter, j’ai entrepris la publication des notes journalières de mon ancêtre, se rapportant aux cinq lustres qui séparent 1742 de 1776.

Or, pour être lu, il faut éviter de déplaire au lecteur. Aussi nous sommes-nous posé la question de savoir s’il était préférable de publier intégralement les notes journalières de Jean-Joseph, ou d’en donner seulement un extrait. Il nous a semblé finalement qu’il valait mieux ne rien supprimer, car, dans le cas contraire, il nous eût été impossible de ne pas porter quelque atteinte au caractère particulier et à la sincérité prime-sautière de ces esquisses instantanées, régulièrement jetées sur le papier. Ne s’agit-il pas des notes journalières d’un chroniqueur de Marie-Thérèse ? Relativement à l’ensemble, chaque détail y a son importance, comme en a dans une mosaïque la moindre pierre. En elle-même insignifiante, elle est indispensable à la place qu’elle occupe, en vue de l’impression produite par l’œuvre tout entière.

L’époque que l’on veut présenter au lecteur comprend ces temps mémorables où Marie-Thérèse, assaillie par les ennemis héréditaires de la Maison archiducale, posa les bases de la monarchie actuelle. C’est à la grande impératrice et à son fils et successeur que l’Etat autrichien doit le renouvellement de ses assises. Leurs efforts pour réunir dans un faisceau les élémens ethniques les plus divers, pour fortifier et garantir contre toute attaque venant du dehors l’armature de l’Etat, plus d’une fois ébranlée par des divisions intérieures, ne restèrent pas infructueux grâce à leurs tendances unitaires et à leur politique, consciente de son but.

La description de la vie à la Cour de Marie-Thérèse doit contribuer à rendre sensibles à tous les esprits les hauts mérites et les desseins de cette femme d’une grandeur unique.