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leur juste valeur[1]. » Il répartit alors lui-même la somme entre les pauvres de la paroisse, les pauvres officiers ou leurs veuves auxquels il faisait des pensions et les jeunes gens qu’il faisait élever dans des collèges ou des communautés religieuses. Il envoya une somme de sept cents livres au couvent des Récollets pour qu’il y fût prié Dieu pour l’âme de ceux qui avaient été tués à la guerre en combattant sous ses ordres. « Il ne laissa rien, ajoute Proyart, pour faire prier Dieu pour lui-même. »

Le reste de la journée fut assez calme. Le Duc de Bourgogne l’employa à se faire faire des lectures pieuses tant de l’Écriture Sainte que d’autres livres qu’il désignait lui-même. Ce calme fortifia les médecins dans leur sécurité trompeuse. Ils continuèrent à ne rien essayer. Le Roi tint conseil des Finances et, l’après-dînée, se promena, comme à l’ordinaire, dans les jardins. Mais la nuit fut mauvaise. Les plaques rouges reparurent. Il avait les extrémités glacées et, cependant, il se plaignait de souffrir d’un feu intérieur. « Voilà une fièvre horrible, disait-il, voilà une fièvre horrible ; je sens une extrême chaleur au dedans ; » puis, « craignant que ces paroles ne fussent l’effet de quelque impatience ou de trop peu de courage à souffrir le mal qu’il sentait, il ajouta aussitôt, comme pour corriger ce qu’il avoit dit : Peut-être la fièvre que j’ai ne me paroît-elle si forte que parce que je n’ai point été malade et que je ne suis point accoutumé à souffrir. Et qu’est-ce, après tout, que le mal en comparaison des feux du Purgatoire où nos péchés les plus légers doivent être expiés, si nous n’avons soin de les expier nous-mêmes par la pénitence ? » « Je lui répondis, continue le Père Martineau, que, par un effet de la miséricorde divine, l’ardeur de sa fièvre pouvoit servir à le garantir des feux du Purgatoire, s’il la souffroit et l’offroit à Dieu avec componction et en unissant sa peine à celle de Notre-Seigneur : « Très volontiers, répondit-il. Que nous sommes obligés à Dieu de nous avoir donné un moyen si facile de satisfaire à sa justice[2] ! »

Les souffrances augmentant et la pensée de sa mort prochaine ne le quittant point, il témoigna de nouveau le désir de recevoir en même temps l’Extrême-onction et la Communion en viatique. Même en ces circonstances tragiques, la domination que le Roi exerçait sur les personnes de sa famille était si absolue qu’on ne

  1. Proyart, t. II, p. 361.
  2. Recueil des vertus, etc., p. 165.