Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/778

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

on se croyait en présence de la rougeole, ne sortait pas franchement. Le Duc de Bourgogne était en proie à une fièvre ardente. Le Roi vint le voir plusieurs fois dans la journée ainsi que Mme de Maintenon. On s’efforçait cependant de le rassurer sur son état. Comme il voulait faire une revue de sa vie et une confession générale de ses péchés pour se préparer à recevoir les derniers sacremens, le Père Martineau lui dit : « Pourquoi, Monsieur, vous condamner, lorsque les médecins sont pleins de confiance ? Il faut préparer l’effet des remèdes par des pensées plus consolantes. — Dieu merci, répondit le Duc de Bourgogne, la pensée de la mort n’est point une pensée qui m’attriste. Vous savez au reste que je ne désire que la volonté de Dieu. S’il veut que je vive, demandez-lui que ce soit pour le mieux servir. S’il veut que je meure, priez pour que ce soit pour vivre éternellement avec lui. » Et il ajouta : « Puisque ce n’est pas aujourd’hui que je fais mes dévotions, il faut que je m’occupe d’autre chose, parce qu’il ne me reste plus beaucoup de temps. »

Il fit alors venir les officiers et les domestiques attachés à sa maison et leur demanda s’il devait quelque chose à quelques-uns d’entre eux. Tous, fondant en larmes, répondirent que non. Il les remercia de leurs services, promit de les recommander au Roi et témoigna le désir qu’ils fussent placés auprès des princes ses fils. Il dit ensuite à ses officiers : « Si vous connaissez à la Cour et dans le royaume quelqu’un à qui j’aurais fait tort ou que j’aurais mortifié sans le savoir, vous me ferez plaisir de me le nommer, afin que je lui fasse satisfaction. » Quelqu’un lui dit : « Ah ! Monseigneur, vous n’avez jamais fait que du bien à tout le monde, et il n’y a pas un Français qui ne fût prêt à donner sa vie pour sauver la vôtre. — Il est vrai, répondit le Duc de Bourgogne, que les Français méritent bien d’être aimés de leurs princes. Aussi le Roi sera-t-il au comble de ses vœux s’il peut terminer cette malheureuse guerre qui les épuise et j’ai la confiance qu’il y parviendra bientôt. » Il se fit ensuite apporter l’état des familles pauvres qu’il soutenait et se préoccupa de ce qu’elles deviendraient après lui. « Tout occupé de cette pensée, raconte Proyart, il se rappela que la Dauphine lui avoit laissé quelques pierreries. Il ordonna qu’on les mît en vente et les amis du prince, les uns pour entrer dans ses vues de charité, les autres pour avoir quelque chose qui lui eût appartenu, mirent l’enchère sur ces bijoux qui furent vendus beaucoup au-dessus de