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observé devant son cercueil. Les hérauts d’armes, qui se tenaient en cottes d’armes et en caducées au coin du cercueil, devaient présenter à ceux et à celles qui y avaient droit un carreau, sur lequel ils s’agenouillaient pour faire une courte prière. Ils leur tendaient ensuite le goupillon. Les autres personnes n’avaient point de carreaux et prenaient elles-mêmes le goupillon dans le bénitier. Il n’y avait point de raison pour qu’un cérémonial différent fût observé devant le cercueil de la Duchesse de Bourgogne. Néanmoins, les évêques prétendirent avoir des chaises à dos, ainsi que des carreaux, et qu’on leur tendît le goupillon, au moment de leur arrivée. Chaises à des et carreaux leur furent refusés ; mais « ils crièrent tant, dit Saint-Simon, qu’ils attrapèrent le goupillon. »

Quant aux dames, l’étiquette voulait qu’il y eût parmi elles deux duchesses. Le Roi, qui, en toute circonstance, pensait toujours à tout et qui était toujours attentif à ménager les princes étrangers sans leur donner cependant le pas sur les ducs et duchesses, désigna lui-même pour la première garde les duchesses d’Elbeuf et de Sully. La duchesse d’Elbeuf était une princesse lorraine ; mais elle était aussi la plus ancienne duchesse présente à la Cour. Ainsi ni princes lorrains ni ducs ne pouvaient se plaindre ou se prévaloir de cette désignation, les premiers pouvant prétendre que la duchesse d’Elbeuf avait été désignée comme princesse lorraine, et les seconds qu’elle l’avait été comme duchesse.

Les choses étant ainsi réglées, le défilé commença. Toutes les pièces qui composaient l’appartement de la Duchesse de Bourgogne étaient tendues de noir. Les dames en mantes, les messieurs en grand manteau, se succédèrent toute l’après-midi du mardi 16 et du mercredi 17. Madame, la Princesse de Conti, le Duc d’Orléans, le Comte de Toulouse se présentèrent chacun à leur tour, reçus par la dame d’honneur de la princesse défunte, à la porte de la dernière pièce tendue de noir et reconduits de même. A la différence des évêques, les hérauts d’armes leur présentaient le goupillon. Le populaire, qui avait été admis à contempler la Duchesse de Bourgogne morte dans son lit, fut au contraire exclu de cet hommage solennel rendu à sa dépouille. Aussi les choses se passèrent-elles en grande pompe et avec beaucoup d’ordre.