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heures avec lui, quoiqu’il fût dans un grand état d’accablement.

Cependant, on commençait à Versailles les préparatifs du service funèbre de la princesse. Le samedi matin, on la peigna et coiffa, en linge uni avec des rubans noirs et blancs, et ainsi ajustée, elle fut exposée en public toute la journée, le visage découvert, les mains hors du lit. « Il y eut, rapporte le Mercure, un concours prodigieux de personnes pour venir la voir. » Le soir, les médecins procédèrent à l’autopsie en présence de la duchesse du Lude, sa dame d’honneur, et de la marquise de Mailly, sa dame d’atour, auxquelles leur charge faisait un devoir d’assister à ce pénible spectacle. « On l’ouvrit, dit Sourches, et on ne trouva aucunes marques de rougeole, ni de petite vérole, ni de pourpre sur son corps ; son cerveau et toutes ses parties nobles parurent sans aucune altération. On dit seulement qu’elle avait le sang tout brûlé[1]. » L’autopsie révéla également qu’elle était enceinte depuis peu de temps. Le soir, elle fut mise au cercueil par la duchesse du Lude et la marquise de Mailly, l’une tenant la tête, et l’autre les pieds. Le cercueil fut ensuite déposé sur une estrade de trois marches, sans autre appareil que six cierges, et on l’y laissa toute la journée du dimanche 14, tandis qu’on préparait dans le salon le lit de parade où elle devait, suivant l’étiquette, être exposée pendant plusieurs jours. On l’y transporta le lundi 15, à midi. Deux autels furent dressés dans la chambre et, tous les jours qui suivirent, des messes y furent célébrées d’heure en heure, de six heures du matin à midi.

À trois heures, on commença de garder le corps en cérémonie. Quatre évêques, en rochet et camail, et six dames devaient le garder, en se relayant. Immédiatement surgirent des querelles d’étiquette, dont Saint-Simon ne manque pas de raconter le détail. Le principe était qu’en présence d’un membre de la famille royale défunt, on n’avait point droit à d’autres honneurs que ceux auxquels on aurait droit en sa présence, de son vivant. Devant un membre de la famille royale vivant, personne n’était assis à l’église que sur un ployant (nous disons aujourd’hui pliant), et personne n’avait de carreau pour s’agenouiller que les princes, les ducs et duchesses, ou bien ceux et celles qui avaient le rang de prince étranger ou bien encore le tabouret de grâce. Le même cérémonial devait être

  1. Mémoires de Sourches, t. XIII, p. 296.