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saigna au pied sur les sept heures du soir. Elle eut une faiblesse au moment de la saignée ; d’elle-même cependant elle se remit sur son séant et parut un instant soulagée. La fièvre n’en redoubla pas moins dans la nuit du jeudi 11 au vendredi 12, ainsi que cela avait eu lieu toutes les nuits. Au matin, l’état parut désespéré. On lui donna de nouveau trois verres d’émétique, dont l’effet fut violent, mais ne lui rendit pas la connaissance qu’elle perdait peu à peu. Les forces s’en allaient, et, vers les six heures du soir, elle entra en agonie.

Mme de Maintenon, voyant qu’elle ne reconnaissait plus personne, se retira dans la chapelle pour prier. Le Roi, au contraire, demeura auprès d’elle. Malgré sa présence, on laissa qui voulut entrer dans la chambre, car la tête avait tourné à ceux-là mêmes qui, en toute circonstance, avaient charge de maintenir l’étiquette. « Au milieu de ce désordre, raconte Mlle d’Aumale[1], un seigneur de la Cour apporta une poudre qu’on disoit être admirable. Comme tout étoit désespéré, les médecins dirent qu’on pouvoit risquer de la lui faire prendre. Effectivement, cette poudre la ranima et lui rendit la connoissance. Elle en eut assez pour dire : « Ah ! que cela est amer ! » Mme de Maintenon, à qui on avoit été dire que la connoissance étoit revenue, arriva à l’instant. On dit à la princesse : « Voilà Mme de Maintenon ; la reconnoissez-vous ? — Oui, » répondit-elle. Mme de Maintenon lui dit : « Madame, vous allez à Dieu. » La princesse répondit : « Oui, ma tante. » Elle retomba dans un état d’insensibilité complète. A huit heures, le Roi monta en carrosse au pied du grand escalier, avec Mme de Maintenon et Mme de Caylus, et il partit pour Marly, laissant auprès de la princesse le cardinal de Noailles. Au moment de partir, il donna ordre à Tessé, le fidèle écuyer de la Duchesse de Bourgogne, de lui envoyer un exprès aussitôt, dit Sourches, « que ce seroit chose faite. » A la grille du château, il trouva quelques dames et la Duchesse de Bourbon, qui vint au-devant de lui et lui baisa la main en pleurant. L’exprès venait d’arriver, et le Roi apprit que, quelques instans après son départ, à huit heures un quart, la princesse avait rendu le dernier soupir.

  1. Les Cahiers de Mlle d’Aumale, p. 309.