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La princesse reçut l’Extrême-onction et la Communion avec une grande piété ; après quoi, elle dit à Mme de Maintenon : « Ma tante, je me sens tout autre, il me semble que je suis toute changée. — C’est, lui répondit Mme de Maintenon, que vous vous êtes approchée de Dieu, et qu’il vous console présentement. — Je n’ai de douleur, dit la princesse, que d’avoir offensé Dieu. — Cette douleur, reprit Mme de Maintenon, suffit pour obtenir le pardon de vos péchés pourvu que vous y joigniez une ferme résolution de ne plus les commettre, si Dieu vous rend la santé. — Oui, dit la princesse, mais je crains de ne pas faire assez pénitence, si j’en reviens. »

Elle demanda qu’on récitât les prières des agonisans. On lui dit qu’elle n’était pas assez mal pour cela, et qu’elle ferait mieux de tâcher de se rendormir. Mais elle n’y put parvenir. Une chose la tourmentait, et ce fut encore Mme de Maintenon qu’elle prit pour confidente : « Ma tante, lui dit-elle, je n’ai qu’une inquiétude ; c’est sur mes dettes. — Vous avez eu jusqu’ici tant de confiance en moi, répondit Mme de Maintenon ; n’aurez-vous pas celle de me les confier ? — Monsieur le Dauphin les sait, reprit-elle : je voudrais le voir. — Cela n’est pas possible, dit Mme de Maintenon, parce que vous avez la rougeole, mais dites-les-moi. Je vous promets, si vous guérissez, qu’il n’en sera jamais question. » « Alors, continue Mlle d’Aumale[1], Madame la Dauphine fit apporter sa cassette qu’elle ouvrit elle-même et toucha quelques papiers pour chercher ceux qui regardoient ses dettes ; mais les forces lui manquant, elle la referma aussitôt et la fit mettre au pied de son lit. Elle demanda encore à voir Monsieur le Dauphin, disant qu’il savoit ses dettes, mais comme le Roi avoit expressément défendu à ce prince d’entrer dans sa chambre, de peur du mauvais air, Mme de Maintenon chercha à détourner Madame la Dauphine du désir qu’elle avoit de le voir, et elle lui dit : « Si monsieur le Dauphin sait vos dettes, madame, vous devez être tranquille et bien persuadée que son amitié pour vous l’engagera à les acquitter au plus tôt, » ce qui parut calmer la princesse. »

A partir de ce moment, elle ne pensa plus qu’à la mort. A plusieurs reprises elle fit appeler le Père Noël, afin qu’il lui pariât de Dieu ; elle demandait qu’on priât pour elle et qu’on

  1. Les Cahiers de Mme d’Aumale, p. 307.