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seulement de lui dire qui elle vouloit, et que lui-même l’iroit chercher et le lui amèneroit[1]. » La Duchesse de Bourgogne témoigna alors le désir de se confesser à M. Bailly, prêtre de la mission de la paroisse de Versailles. Ce prêtre, qui passait pour sévère et même pour un peu janséniste, confessait les personnes de la Cour les plus régulières dans leur conduite, entre autres Mmes du Châtelet et de Nogaret, dames de la princesse. Le Père de La Rue partit immédiatement à la recherche de M. Bailly, mais il ne le trouva point. Il revint le dire à la princesse, qui en parut peinée, et témoigna d’abord le désir d’attendre le retour du confesseur qu’elle avait choisi. Le Père de La Rue ayant insisté pour qu’elle ne retardât pas sa confession, elle témoigna le désir de se confesser à un récollet qu’elle désigna, le Père Noël. Le Père de La Rue l’alla chercher à l’instant et l’amena lui-même.

Pendant ce temps, la Duchesse de Bourgogne se préparait à sa confession. Elle pria Mme de Maintenon de l’y aider, car elle se sentait très accablée. Le Père Noël étant arrivé, on les laissa seuls. Le Roi et les médecins profilèrent de ce moment pour forcer le Duc de Bourgogne à se retirer dans sa chambre. Il était dévoré d’une fièvre ardente, premier symptôme du mal auquel il allait bientôt lui-même succomber, et il se laissa faire. D’instans en instans il envoyait demander des nouvelles de la princesse, et on ne put le retenir loin d’elle qu’en lui dissimulant les rapides progrès du mal.

La confession, qui fut longue, étant terminée, et Mme de Maintenon étant rentrée dans la chambre, la princesse fut prise d’un scrupule : « N’ai-je pas mal fait, ma tante, dit-elle à Mme de Maintenon, d’avoir pris un autre confesseur que le mien ? — Non, répondit Mme de Maintenon. Cela est très permis. Il faut une grande liberté de conscience. » Cependant, on avait envoyé chercher à l’église de Versailles ce qui était nécessaire pour lui administrer l’Extrême-onction et la Communion. Le Roi vint recevoir le Saint-Sacrement au bas du grand escalier et le conduisit jusqu’à la porte de l’appartement de la princesse, en donnant de grandes marques de douleur. Il le reconduisit ensuite jusqu’à la chapelle où il entendit la messe, car il était neuf heures du matin, « sans musique et sans drap de pied, » fait observer Sourches.

  1. Saint-Simon. Édition Chéruel de 1857, t. X, p. 81.