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I

Le 5 et le 6 février, la Duchesse de Bourgogne, eut la fièvre. On ne s’en inquiéta pas, d’abord parce qu’à la fièvre tout le monde était alors plus ou moins sujet, et ensuite parce qu’on attribua cette indisposition à une indigestion causée par quelques ragoûts à l’italienne qu’elle avait mangés les jours précédens. Elle était fort sujette aux indigestions sans qu’il y eût lieu, disait Mme de Maintenon, « d’accuser son estomac. »

La fièvre grossit dans la nuit du 6 au 7. La princesse se leva cependant pour aller à la messe, car le 7 était un dimanche ; mais, à six heures du soir, elle fut prise d’une douleur violente au-dessous de la tempe dont elle souffrit si cruellement que, le Roi étant venu pour la voir avant d’aller souper, elle le fit prier de ne point entrer. Cette douleur aiguë dura toute la nuit, et toute la journée du lundi 8. On eut recours aux calmans qui étaient alors en usage. On lui fit respirer de la fumée de tabac ; on lui en fit mâcher ; on lui fit absorber de l’opium. La douleur persistant, on eut recours au remède habituel, dont les médecins ne s’étaient pas déshabitués depuis Molière : Maréchal, le chirurgien ordinaire de Louis XIV, qui était devenu son phlébotomiste, depuis que Dionys le jeune avait eu le malheur de la manquer, la saigna deux fois au bras. Les douleurs diminuèrent, et la princesse se sentant soulagée dit que, de sa vie, elle n’avait autant souffert, même pour accoucher. Mais la fièvre revint plus forte qu’auparavant et dura toute la nuit du lundi au mardi. De nouveau on la saigna, mais cette fois au pied ; elle passa toute la journée du mardi 9 dans un état d’assoupissement qui fit renaître l’inquiétude, car la quantité d’opium qu’on lui avait fait absorber ne suffisait pas à expliquer cet état. Quand elle sortait de cet assoupissement, c’était pour donner quelques marques de délire. A plusieurs reprises, le Roi vint la voir sans qu’elle parût s’en apercevoir. Le Duc de Bourgogne ne bougeait d’auprès d’elle. Sur la fin de la journée, Boudin, son premier médecin, diagnostiqua la rougeole. Ce diagnostic paraissait d’autant plus vraisemblable qu’une forte épidémie de rougeole régnait alors non seulement à Paris, mais à Versailles et dans le palais même. Quelques plaques rouges apparaissaient sur le corps. On espéra