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Prusse. Comme tout. Hongrois, il était convaincu que les libertés de son pays n’avaient qu’à perdre à la résurrection du passé germanique de l’Autriche. Le passage du Mein par la Prusse ne lui inspirait aucune inquiétude : il ne l’empêcherait point et arrêterait Beust dans le cas où il manifesterait la velléité d’aider la France à l’empêcher. Beust pouvait le promettre à Paris, mais lui ne permettrait pas la réalisation de cette promesse. Gramont ignorait ces dispositions d’Andrassy qui, ne voulant pas faire éclater avant le temps sa rivalité sourde avec Beust, s’en tenait à des relations de courtoisie et évitait toute conversation politique avec lui. Notre ambassadeur en concluait que Beust était le seul directeur des A flaires étrangères et qu’assurés de lui, nous pouvions compter sur l’Autriche.


IX

Pendant que son complot espagnol s’acheminait du côté des princes de Hohenzollern, Bismarck, n’y prenant encore qu’une part préparatoire et tout à fait insaisissable, se reposait à Varzin d’où il dirigeait les affaires. Il y eut comme visiteur Stoffel, notre attaché militaire. Un jour (12 septembre), il lui dit : « Je vais causer un peu politique avec vous. Voilà longtemps que notre représentation à Paris n’est pas régulière ; nous ne devons pas rester davantage sans y avoir un ambassadeur. Le choix a été difficile. Solms est trop jeune pour occuper ce poste, il est trop impressionnable : je m’en aperçois aux rapports qu’il m’adresse depuis quelque temps, à l’importance qu’il attache à certains articles de journaux. Il n’est pas assez bonapartiste. Bernstorff ne conviendrait nullement. Il est maladroit, manque tous les jours de nous brouiller avec l’Angleterre. A Paris, il ne ferait que plus de sottises encore. Reuss aurait pu convenir. Il a eu, autrefois, une très bonne position à Paris, il a surtout été très en faveur auprès de l’Impératrice. Je l’ai fait venir dernièrement. J’ai constaté qu’il irait volontiers, mais l’empereur Alexandre le verrait partir avec peine. Il a fait savoir au Roi que Reuss était devenu son ami personnel, et il a insisté pour le conserver, en termes tels, qu’il fait du changement, ou du maintien de Reuss une question de mauvais ou de bons rapports. D’ailleurs, j’ai dit à Reuss ceci : « Vous avez été accueilli à Paris avec une faveur « particulière, mais prenez garde. Quand on a dû quitter un plat