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particulièrement des services financiers. Alors, on ne paiera plus d’impôts, et comment fera le gouvernement pour lancer un gendarme contre chaque contribuable ? Ce sont là les menaces du Midi ! Il faut sans doute les prendre au sérieux, mais faut-il les prendre tout à fait au tragique ? M. le ministre des Finances a prononcé une parole imprudente lorsqu’on a parlé pour la première fois à la tribune des souffrances des départemens viticoles et des résolutions auxquelles les porterait leur désespoir. « Tout cela, a-t-il dit de sa place, est du battage. » Expression malheureuse, — car les souffrances dont on se plaint sont réelles, — et qui n’a pas manqué d’être relevée. Dans toutes les manifestations du Midi on proteste : « Non, ce n’est pas du battage ! » et on parle d’ « abatage ! » Ce jeu de mots donnerait à croire qu’il reste quelque bonne humeur dans ces colères. On pourrait le croire aussi à voir les maisons pavoisées, les arcs et les mâts dressés partout, les drapeaux et les bannières que porte la foule, le bariolage des couleurs sous un soleil qui les anime encore. Le Midi étale ses misères avec des airs de fête. Mais, encore une fois, il souffre et, bien qu’il soit en partie cause de ses souffrances, elles n’en méritent pas moins de compassion. Il est malheureusement plus facile d’y compatir que de les soulager, et surtout de les guérir.


Nous ne pouvons dire qu’un mot des élections qui viennent d’avoir lieu en Autriche ; mais elles sont trop importantes pour qu’il nous soit permis de les passer sous silence. L’Autriche faisait pour la première fois l’épreuve du suffrage universel, épreuve toujours redoutable et qui donne souvent des résultats imprévus. Il était toutefois facile de prévoir que le suffrage universel donnerait en Autriche des résultats très différens de ceux que donnait le suffrage de castes d’autrefois.

C’est ce qui est arrivé, et même dans des proportions plus considérables qu’on ne l’avait cru. Les cadres des anciens partis ont été sensiblement endommagés, sinon brisés. On se classait autrefois par nationalités, dont les principaux groupes étaient les Allemands d’un côté et les Tchèques de l’autre, et les échos du Parlement retentissent encore de l’éclat des passions déchaînées de part et d’autre. Avec le suffrage universel, des intérêts nouveaux entrent en jeu ; ce sont les intérêts sociaux ; et comment adopteraient-ils pour se défendre les cadres des partis purement nationaux, puisqu’ils sont internationaux de leur nature et qu’ils ont même une tendance à sortir des frontières d’une même patrie, pour chercher au dehors des solidarités,