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faisait remarquer à l’agitateur méridional qu’il faisait du régionalisme, peut-être sans le savoir : « Je n’avais pas songé au mot, a déclaré son interlocuteur, mais il ne m’effraie point. Quel mal verriez-vous à ce que nous nous administrions nous-mêmes pour les questions qui nous concernent seuls ; à ce que la plupart des fonctionnaires, étant du pays, connaissent mieux nos besoins ; à ce que nous possédions une sorte de Parlement régional, capable de nous représenter et de nous défendre près du pouvoir central ? Nous n’en travaillerions pas moins à la prospérité de la grande patrie, au contraire ! » Qu’on rapproche cette conversation de M. Albert de l’expression de Catalogne française que M. Ferroul a appliquée à une partie de notre territoire, et on se rendra compte des pensées confuses et des tendances inconscientes qui naissent dans leurs esprits, au hasard des événemens du jour et par sourde réminiscence de ceux d’autrefois. On ne s’attendait guère à voir les Albigeois dans cette affaire ! On ne s’attendait pas non plus à entendre proposer comme une chose toute simple la désagrégation de l’unité nationale ! Mais nous nous attendions aux avertissemens les plus sévères adressés aux pouvoirs publics, et ils n’ont pas manqué. « Contre ceux qui ont causé la misère actuelle, a dit M. Ferroul, le pays s’est levé, et son action résolue ne cessera qu’après la victoire. L’envoi de l’ultimatum fixe l’heure des actes, et nous dirons au destinataire le mot de la ballade de Cyrano : « À la fin de l’envoi, je touche. »

« Je touche : » qu’est-ce que cela veut dire exactement ? Ni M. Albert, ni M. Ferroul, ni aucun autre ne l’ont expliqué dans leurs discours publics ; mais dans leurs paroles privées et dans les journaux qui s’en inspirent, ils ont été plus communicatifs. Si à la date indiquée le Midi n’a pas obtenu pleine satisfaction, il se mettra en grève : grève communale, grève départementale, grève administrative générale, grève politique, enfin et surtout grève financière. Les conseillers municipaux, les maires, les conseillers généraux, enfin tous les élus du Midi donneront en masse leur démission, et alors il n’y aura plus rien. Le mouvement de l’état civil s’arrêtera ; personne dans les mairies n’enregistrera les naissances et les décès ; personne ne mariera les fiancés. Tous les actes administratifs dépendant de fonctionnaires élus seront suspendus. Ce sera un état social tout à fait nouveau et nous serions tentés de dire, comme Alceste, que « pour la beauté du fait, » nous désirerions en être témoins. En outre, le Midi fera tout ce qui dépendra de lui pour amener, fût-ce par la force, la suspension des services publics de tous ordres, et plus