jetant des horions à droite et à gauche et n’arrivant à aucun résultat ; Sella, appelé à sa place, ne fut pas plus accommodant que Lanza. Alors le Roi, après les avoir repousses séparément, les accepta tous les deux ensemble, et le ministère fut constitué : Président du Conseil, ministre de l’Intérieur, Lanza ;[1] ministre des Affaires étrangères, Visconti-Venosta ; Guerre, général Govone ; Travaux publics, Gadda ; Commerce, Castagnola ; Justice, Rali ; Instruction publique, Corenti ; Marine, Artom (13 décembre). Lanza eût voulu s’assurer le concours de la Gauche en portant son chef Rattazzi à la présidence de la Chambre, mais Visconti avait fait de l’exclusion de cet homme, odieux à son parti, la condition de son entrée au ministère. On lui préféra le député de Ventimiglia, Biancheri, brave homme, sensé, conciliant, agréable à tous.
Les deux membres principaux du Cabinet, Lanza et Sella[2], étaient probes, courageux, tenaces, désintéressés, sincèrement préoccupés du bien public. Ni l’un ni l’autre n’avait éloquence ou supériorité d’esprit, et ils regardaient toujours à terre, ce qui, du reste, n’est pas un mal en politique : Sella, plus cultivé mais plus égoïste, et n’ayant pas la même générosité de cœur que Lanza. Ils s’accordèrent sur un programme exclusivement financier. Les finances, d’expédiens en expédiens, marchaient droit à la banqueroute ; « on sentait, disait Lanza, l’odeur du cadavre à plus de mille pas. » Le déficit de l’année s’élevait à près de 200 millions ; il était urgent d’arrêter cette dégringolade à l’abîme. Le premier remède serait, selon Lanza, d’examiner les dépenses avec la lenta (la loupe) dell’avaro, et, selon Sella, de réaliser des économies fino all’osso, ce qui exigeait surtout une forte réduction des dépenses de la Marine et de la Guerre, à peu près 30 millions. Ces économies seraient suivies de la création ou de l’augmentation d’impôts : on irait même, pour éviter la banqueroute totale, jusqu’à opérer une banqueroute partielle en diminuant de 1 p. 100 le revenu de la rente par un impôt. On opérerait ainsi indirectement une conversion obligatoire.
A l’égard de la France, il y avait dans le Cabinet deux courans très distincts. Visconti et son ami le général Govone appartenaient encore, quoique avec un certain attiédissement, à la tradition cavourienne de l’amitié avec la France ; Lanza et Sella