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les secours de la religion, sur quoi le Pape avait aussitôt envoyé à tous les évêques des instructions en conséquence. L’archevêque de Pise, moins facile, enjoignit, à l’ecclésiastique appelé par le Roi, d’exiger la rétractation par écrit de tout ce que l’auguste malade avait fait contre la religion, et l’engagement, en cas de guérison, de révoquer les lois contraires aux droits de l’Église. Le Roi répondit avec fermeté : « Comme chrétien, j’ai vécu dans la foi de inespérés et je suis prêt à y mourir ; comme Roi, à l’exemple de mes ancêtres, j’ai suivi les impulsions de ma conscience pour le bien de mes peuples. » Et, sur l’insistance du prêtre, il ajouta qu’il écouterait le ministre de la religion avec soumission et reconnaissance s’il lui parlait de la mort et de la miséricorde divine, mais que, s’il entendait l’entretenir de politique, il s’adressât au président du Conseil qui était dans la chambre voisine. Le curé sortit et raconta à Menabrea ce qui s’était passé ; le général répondit[1] qu’il fallait accorder immédiatement l’absolution au Roi, sans plus insister pour aucune rétractation, ou bien il y aurait acte de violence envers un souverain, flagrant délit, et il allait donner ordre immédiatement aux carabiniers de l’arrêter. La crainte du carabinier décida le curé à délivrer le Roi de la crainte de l’enfer. Il entra dans la chambre et donna l’absolution.

À l’ouverture du Parlement (18 novembre), bien que complètement rétabli, le Roi ne vint pas lire lui-même le discours de la couronne. Le ministère fut, dès la première séance, mis en minorité, et son candidat Mari battu par celui des Gauches, Lanza (164 contre 129). Il donna sa démission (20 novembre). Le Roi, fort contrarié d’être séparé d’un ministre qui était son premier aide de camp et dans la confidence de sa politique personnelle avec l’Autriche et la France, peu soucieux d’ailleurs de remettre les affaires à Lanza et surtout à Sella, dont les attaques antérieures l’avaient fort blessé, eût voulu faire un replâtrage avec Lanza seul. Celui-ci n’y consentit pas et imposa les conditions les plus dures : il exigea que le Roi renvoyât tous les ministres attachés à un titre quelconque à sa personne, Menabrea, Gualterio, Cambray-Digny, et consentît de sérieuses réductions sur l’armée et la marine. Les pourparlers se rompirent ; le Roi parla d’abdiquer ; Cialdini traversa la scène en matamore grincheux,

  1. Massari, Vittorio Emanuele, p. 499.