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l’explique guère, Ariane en somme n’arrivant à rien résoudre, ou seulement à rien débrouiller, pas plus la situation que les caractères ou les âmes.

Ouand le rideau se lève, il découvre une vaste salle, encore Aide, dans le château de Barbe-Bleue. « Au fond, une grande porte et, de chaque côté de celle-ci, trois petites portes d’ébcne à serrures d’argent, fermant des espèces de niches dans une coloanade de marbre, » À travers les fenêtres, on entend le tumulte et les cris d’une foule invisible. Cris de colère et de mort contre l’époux déjà cinq fois meurtrier ; cris d’alarme et de pitié pour la sixième épouse, plus belle, plus touchante encore que les précédentes, et qui approche. Curieuse, mais non craintive, ayant le soupçon d’un mystère à pénétrer, peut-être d’un devoir, d’une mission à remplir, elle a franchi le seuil terrible avec sa fidèle nourrice, et la voilà. Sept clefs brillent entre ses doigts : six, en argent, sont permises ; mais la septième est d’or, et défendue. Tour à tour les six portes cèdent et laissent ruisseler, en flots de perles et de pierreries, le trésor des parures nuptiales. Mais derrière la sixième, une dernière, interdite et fatale, ne s’ouvre que sur un caveau plein d’ombre, d’où sortent de lugubres voix. Alors survient l’époux farouche. Il interroge, il va punir, quand le peuple en fureur fait irruption dans la salle. Barbe-Bleue a tiré son épée, mais elle ne le sauverait point. C’est Ariane qui se dresse devant lui, et d’un geste, d’un mot, où déjà se trahit son étrange amour, elle fait reculer ses propres défenseurs.

Au second acte, elle pénètre dans le souterrain. Elle y trouve, captives, la demi-douzaine, moins une, de ses devancières. Les pauvrettes sont dans un assez triste état, physique et moral. Elles portent de jolis noms : Sélysette et Méhsande, Ygraine, Alladine et Bellangère. Un peu hébétées par la réclusion, leur hébétement a de la douceur, avec une vague poésie. Ariane commence par les entretenir longuement et tendrement. Puis, leur ayant parlé du dehors et de la vie, du soleil et des fleurs, du printemps et de la liberté, elle les ramène, chantant et dansant, vers toutes ces belles choses. Notons que durant tout ce second acte, on ignore absolument ce qu’est devenu Barbc-Blono.

On ne le saura joint avant la scène finale. La première partie du troisième acte est consacrée à la toilette, à la parure des petites libérées, sous les yeux et par les soins de leur libératrice. Et toujours pas le moindre Barbe-Bleue. Soudain l’émeute populaire et villageoise recommence à gronder. Barbe-Bleue cette fois n’a pu fuir. Les paysans