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contrôle. L’Allemagne aussitôt donnait son adhésion au projet turc. La situation, dans l’hiver de 1900, se trouvait donc singulièrement délicate. Ce fut M. Constans qui, avec beaucoup d’à-propos, saisit l’occasion de jouer le rôle de médiateur que la politique générale de la France, alliée de la Russie et amie de l’Angleterre, la préparait à prendre en Orient. Il proposa à ses collègues d’abandonner le projet austro-russe du 17 janvier pour se rallier au projet concerté entre le gouvernement turc et la Banque ottomane « qui bénéficiait déjà de l’adhésion de l’Allemagne ; » mais en le complétant par une disposition additionnelle instituant, sur les finances de la Macédoine, un contrôle exercé, non plus seulement par l’Autriche-Hongrie et la Russie, mais par les six grandes puissances « intéressées. » Ainsi il donnait satisfaction aux vœux des gouvernemens anglais et italien et il faisait adroitement rentrer l’Allemagne dans le concert européen. « Le gouvernement russe s’appropria cette suggestion et la fit approuver par le cabinet de Vienne[1]. » L’accord des grandes puissances se trouva rétabli et, le 9 mai, le projet signé par les six ambassadeurs fut communiqué à la Sublime-Porte.

Le projet ainsi modifié réunissait l’unanimité des puissances ; mais il cessait d’avoir l’approbation du Sultan. Espérait-il que de nouvelles dissidences ne tarderaient pas à se manifester parmi les ambassadeurs ? Etait-il secrètement encouragé dans sa résistance ? En tout cas, il opposait un refus opiniâtre à l’institution des quatre délégués financiers qui, d’après le projet européen, devaient se joindre aux agens civils et à l’Inspecteur général et agir de concert avec eux pour tout ce qui concerne la réorganisation financière. Il emploie d’abord les moyens dilatoires : malgré une nouvelle note très pressante remise le 24 juin, c’est le 10 juillet seulement qu’il se décide à répondre et c’est par un refus absolu : il rejette la proposition des ambassadeurs comme attentatoire à ses droits souverains et comme non prévue dans le programme de Mürzsteg. Les puissances ne pouvaient se contenter de ce refus. Elles décident de passer outre et, le 26 août, elles notifient à la Porte les noms des délégués nommés par elles pour faire partie de la commission des réformes financières : MM. Le

  1. Livre jaune, — Cf. n° 134 : M. Bompard à M. Delcassé : « Le comte Lamsdorff se loue du concours prêté par M. Constans à M. Zinovieff pour dégager une formule donnant satisfaction à l’Angleterre et à l’Italie sans que l’Allemagne puisse lui refuser son adhésion. » 19 avril 1905.