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volonté manifeste pouvaient suffire à réformer la Macédoine, Hilmi Pacha, certes, y réussirait ; mais sa méthode de travail est toute personnelle : il ne forme autour de lui aucun personnel administratif ; il n’a pas de moyens efficaces de contrôler l’exécution de ses ordres et peut-être se perd-il un peu dans la minutie scrupuleuse de sa surveillance. Mais peut-il réellement faire des réformes, ou plutôt n’y a-t-il pas entre lui, entre les Turcs en général, et, d’autre part, les populations chrétiennes et les États balkaniques une antinomie radicale sur la manière de les comprendre ? Hilmi Pacha améliore le régime ; il ne le change pas ; il ne peut pas le changer, il ne peut même pas concevoir, lui qui n’a jamais vu d’autre pays que le sien, comment il pourrait être changé. Sur cette question, qui met en cause tout le résultat, toute la portée pratique de la politique des réformes, nous aurons à revenir. Contenions-nous pour le moment, et pour achever l’esquisse de cette physionomie si intéressante d’Hilmi Pacha, de le situer dans la position éminente, mais singulièrement périlleuse et difficile, où il se maintient à force de souplesse et d’habileté. Au Palais, dont il a pour le moment la confiance, il risque, s’il paraît entrer dans les vues des réformateurs européens, de passer pour l’homme qui, de réforme en réforme, conduit la Macédoine à une séparation de fait d’avec le reste de l’Empire. S’il entrave les desseins des agens européens, ou si les réformes ne donnent pas les résultats espérés, il risque qu’une plainte des ambassadeurs fasse de lui le bouc émissaire de tous les insuccès et de toutes les erreurs. Les populations chrétiennes l’accusent d’être toujours celui qui promet, jamais celui qui donne ; et les populations turques le soupçonnent de sacrifier les droits de l’Islam. Pourra-t-il longtemps rester à la fois l’homme du Sultan et l’homme de l’Europe ? On dit volontiers familièrement, en Macédoine, qu’il a « mis dans sa poche » les agens civils, la commission financière et le général Degiorgis. Il est probable qu’il le laisse croire à Constantinople, tandis qu’à Salonique il a l’art de persuader aux agens européens qu’il se contente de réaliser ce qu’ils ont eux-mêmes délibéré.

En résumé, une bonne volonté sincère, fondée sur la conviction que réformer, — ou du moins en avoir l’air, — est, pour le moment, le seul moyen de conserver et de restaurer l’autorité du Sultan dans les trois vilayets ; un labeur acharné