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écrivait à cette époque M. Paul Cambon, si cette concession du Sultan est plus réelle que toutes celles dont nous avons malheureusement dû constater le néant jusqu’à ce jour. »

La Conférence de Constantinople, le traité de Berlin, le décret de 1896, voilà les précédens, voilà les textes juridiques que les Bulgares invoquent pour la Macédoine. Le programme du Congrès macédonien de juillet 1902 s’y réfère à chacun de ses articles. « Depuis un demi-siècle, des réformes sont promises, dit de son côté le Programme du Comité pour l’autonomie de la Macédoine et de l’Albanie (mai 1902) ; mais aucune de ces promesses n’a été tenue ;… les réformes tant de fois promises auraient pu changer notre situation de conquis en celle de loyaux sujets attachés à Votre dynastie impériale. » Mais les mandataires des puissances, lorsqu’ils rédigèrent ces traités ou inspirèrent ces décisions de la Porte, entendaient parler de réformes générales destinées, en donnant satisfaction à tous les sujets chrétiens du Sultan, à enlever aux revendications nationales leur plus dangereux argument et à consolider l’intégrité de la Turquie. Les populations chrétiennes, au contraire, dans les stipulations obtenues en leur faveur, virent des garanties derrière lesquelles s’abriteraient, pour mieux s’organiser, leurs nationalités respectives. Ce malentendu fondamental, nous le verrons grandir à mesure que se développera l’activité réformatrice de l’Europe.

Au moment où commencèrent les insurrections de Macédoine, l’entente des « deux puissances les plus directement intéressées, » l’accord austro-russe de 1897, régissait souverainement les affaires balkaniques. Depuis le XVIIIe siècle, l’Autriche-Hongrie et la Russie sont rivales dans la péninsule des Balkans ; mais elles ont, en plusieurs circonstances, conclu entre elles des accords temporaires destinés à départager leurs ambitions, à les neutraliser l’une par l’autre et à prévenir des conflits menaçans. En 1897, les circonstances générales de la politique européenne avaient fait sentir à Saint-Pétersbourg comme à Vienne l’utilité d’un de ces rapprochemens. L’Autriche-Hongrie faisait partie de la Triple-Alliance, et la Russie avait partie liée avec la France. Les deux puissances, membres de deux groupemens politiques opposés, désiraient également éviter en Orient tout incident qui aurait pu avoir une répercussion dangereuse sur la tranquillité de l’Europe. La Russie s’engageait dans sa politique d’expansion en Extrême-Orient ; l’Autriche cherchait à prendre