Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/67

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Gortchakof et lui s’en étaient plaints souvent à Paris. Si donc on souhaitait offrir à la Russie quelque chose qui lui fût agréable et effaçât les tristes souvenirs de l’Exposition de 1867, c’est sur ce point qu’il fallait apporter des satisfactions et des promesses. Or, il n’y avait rien de pareil dans les instructions de Fleury. Elles contenaient une interrogation à poser sur la manière dont la Russie envisageait l’avenir de la Turquie et dont elle voudrait qu’après un bouleversement général, les pays de l’Orient fussent constitués. Elles indiquaient que le moyen de détourner l’Autriche de l’Orient et de la Pologne sérail de seconder sa prépondérance sur le Sud de l’Allemagne : « L’Autriche conservant ses provinces allemandes et acquérant de nouveau une influence sur l’Allemagne du Sud, c’est la question de Pologne enterrée. L’Autriche, au contraire, refoulée vers l’Orient et embrassant les passions des Hongrois, c’est la résurrection de l’idée polonaise. » C’est en ouvrant cette perspective qu’on espérait détacher la Russie de la Prusse.

Le nouvel ambassadeur fut reçu avec un empressement marqué. Immédiatement après les premiers complimens, il entama, soit avec le Tsar, soit avec Gortchakof, le sujet du Sleswig ! Depuis un an, personne ne s’en occupait plus. La difficulté portait principalement sur les engagemens que la Prusse voulait imposer au Danemark, en faveur des Allemands enclavés dans les districts revendiqués par lui, et sur la situation des Danois des Duchés, devenue plus cruelle sous la domination prussienne que ne l’avait été celle des Allemands sous les Danois. « Leur cri de détresse, écrivait un journaliste de Copenhague, fait frémir la nation de colère. N’est-il aucun droit des gens, aucune police en Europe ? » Le Cabinet de Copenhague s’était montré disposé à accorder certaines garanties au profit des habitans allemands du Nord-Sleswig, à la condition que la frontière serait déterminée d’une manière conforme aux vœux des populations danoises, et pourrait constituer ainsi le gage d’une réconciliation sérieuse entre les deux pays limitrophes. Du moment que cette condition n’était pas acceptée par le Cabinet de Berlin, le gouvernement danois n’avait pas cru pouvoir maintenir son offre de garanties, et c’est par cette déclaration que s’étaient terminés les derniers pourparlers.

Le général Fleury, dès sa première audience, demanda chaleureusement au Tsar d’exercer une pression de famille sur son