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au succès de cette combinaison ; ses ennemis sont surtout les Orléanistes ; or, l’Angleterre qui n’admettra jamais que les deux trônes soient réunis dans la même famille, ne permettra pas, si un Montpensier règne en Espagne, qu’un autre d’Orléans devienne roi de France, et emploiera, au profit de l’Empereur, toute son influence à l’en empêcher. » Serrano n’eût pas mieux demandé que de seconder les désirs de ses amis. Mais il eût fallu rompre avec Prim. « Je voudrais, lui disait Prim, éviter de blesser le duc de Montpensier. Cependant, on ne peut songer à sa candidature. Les uns n’en veulent pas, parce qu’il est Français, les autres, parce qu’il est Bourbon, marié à une sœur de la Reine, les autres encore à cause des difficultés à prévoir avec la France. Enfin, pour une raison ou pour une autre, le fait est qu’on n’en veut pas. » Pour échapper à l’obsession des Unionistes et déjouer leurs calculs, Prim crut qu’il fallait chercher de nouveau ailleurs. Salazar, malgré sa déconvenue récente, ne désespérait pas de faire revenir les Hohenzollern sur leur refus et chauffait le feu en leur faveur. Il publia une brochure, où il célébra la personne, les origines, les alliances du prince Léopold (25 octobre).

Mais son action ne pouvait avoir d’efficacité qu’avec le concours de Prim, et ce concours n’eût certainement pas fait défaut, si, comme l’a dit faussement le maréchal Randon, l’Empereur lui avait dit de prendre le prince Léopold allié à sa famille. Prim, au contraire, sachant que l’Empereur ne supporterait pas cette candidature, ramenait ses regards vers l’Italie où il était certain de rencontrer la bienveillance impériale. A défaut du prince Amédée et du prince de Carignan, nullement disposés à courir l’aventure, il eut l’idée bizarre de demander à Victor-Emmanuel son neveu, le fils de son frère, le prince Thomas, duc de Gênes, jeune homme âgé de seize ans qui achevait son éducation à Londres. Les Unionistes se prononcèrent contre ce choix : on leur proposait un enfant encore au collège, alors que la main la plus vigoureuse suffirait à peine à dominer la situation ! Quel titre avait-il ? où était sa victoire de Lodi ? où son pont d’Arcole ? Est-ce un étranger sans prestige et à peine sorti du berceau qu’on prétend proposer à la fière nation espagnole ? Prim ne tenant nul compte de cette opposition, les Unionistes du Cabinet, Topete et ses amis, se retirèrent (6 novembre 1869). On se sépara avec force protestations d’amitié, en assurant qu’on ne s’en allait que par fidélité à des engagemens dont on ne pouvait se délier.