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nom propre n’a été prononcé. Loin de là, ce que m’a dit l’Empereur, c’est que si la nation espagnole, un jour, a besoin, dans quelque affaire, du secours de la France, il ne lui fera pas défaut, et qu’il désirait que l’Espagne, arbitre de ses destinées, parvînt à consolider une grande situation de prospérité et de bonheur. » Prim corrobora cette réponse[1].

Le maréchal Randon, avec une crédulité inexcusable de la part d’un ancien ministre, d’un haut dignitaire, a recueilli et accrédité dans ses Mémoires[2] une calomnie inventée par la coalition acharnée à déshonorer l’Empire, et il a rapporté sans en donner aucune preuve personnelle, sur une rumeur anonyme, que Napoléon III avait dit à Prim : « Pourquoi ne penseriez-vous pas au prince de Hohenzollern qui est mon parent ? » M’attacherai-je à rappeler que Napoléon III, en mars 1869, avait mandé Benedetti pour lui déclarer : « La candidature Montpensier est seulement antidynastique ; elle n’atteint que moi, je puis l’accepter ; celle du prince de Hohenzollern est antinationale ; le pays ne la supporterait pas, il faut la prévenir[3] ? » Et ce souverain, moins de six mois après, aurait conseillé d’adopter cette candidature ! L’évidence ne se démontre pas. La déclaration de Silvela l’établit : « Aucun nom n’a été prononcé. » Elle est encore confirmée par la note que le prince Charles de Roumanie, alors à la Weinbourg avec son père et son frère Léopold, a écrite sur son Journal à la date du 17 septembre : « C’est un secret connu de tout le monde que l’empereur Napoléon appuie la candidature du prince des Asturies. » Si l’Empereur avait recommandé à Prim la candidature du prince Léopold, le prince Charles ne l’eût pas ignoré.


II

Le nom de Hohenzollern ne fut donc pas prononcé aux Tuileries. Il le fut à Vichy où Prim s’était rendu de Paris avec Silvela. L’agent espagnol de Bismarck, Salazar, était venu les y rejoindre. Il essaya de gagner Prim à la combinaison que, du Portugal, Seysaal avait conseillée. Il paraît bien qu’à ce moment Prim ne dit ni oui ni non, mais simplement : « Allez aux renseignemens,

  1. Cortès, octobre 1869.
  2. T. I, p. 306.
  3. Empire libéral, t. XI, p. 575.