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LES SALONS DE 1907
ET
L’ORIENTATION NOUVELLE DU PAYSAGE


I

L’Art, aux Salons de 1907, semble immobile et sans surprises. Chaque maître s’y présente identique, sinon toujours égal à lui-même, et il ne se présente pas de maître nouveau. Du plus loin qu’on l’aperçoive, un tableau crie son auteur, non seulement par sa facture et sa matière qui n’ont pas changé, mais par son sujet qui est le même, par ses modèles qui sont venus poser devant le peintre dans une attitude semblable, sous de pareils atours, faisant les gestes qu’ils faisaient déjà l’année passée et les années qui précédèrent, et parfois il y un quart de siècle, peut-être un peu las, mais imperturbablement. On croit entendre le rythme du pas connu, le heurt à la porte accoutumé, la voix triste ou gaie de jadis, le soupir étouffé, le rire clair, le bruissement bref. On croit voir baisser le même store, naître les mêmes reflets dans le miroir docile, courir et se dévider les mêmes nuées inlassables. On croit sentir le souffle d’air lourd du parfum immémorial sur la lisière de la forêt, sur la plage, devant la moisson inachevée. Rien ne s’est effacé des figures qui passaient sur les cimaises ; rien n’a changé des âmes qui passaient dans les prunelles. Une visite à l’avenue d’Antin ou aux Champs-Elysées procure la désirable illusion que les jours n’ont point coulé depuis les dernières années du dernier siècle et que, dans ce coin de France, miraculeusement soustrait aux « crises » et aux « questions » qui bouleversent nos mœurs ut notre vie,