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Maurice Richard, tout en ressemblant à Talhouët par la grâce affable et l’ouverture de cœur, était, dans ses façons, le type accompli du bourgeois parisien. Fils d’un homme d’affaires réputé par sa capacité et son honnêteté, qui avait acheté du prince de Polignac le beau château de Millemont, où le ministre de Charles X avait signé les ordonnances, Maurice Richard y vivait occupé de ses champs, lorsque éclata la lutte entre le ministère Persigny et le fils Baroche. Avec cette audace heureuse de la jeunesse, il comprit que Baroche, compromis et combattu, ne pouvait réussir, non plus que son concurrent le général Mellinet, inconnu dans Seine-et-Oise : il part dans une petite voiture avec un ami et, armé de sa bonne grâce et des souvenirs de son père, il parcourt la circonscription, pose sa candidature. Au premier tour de scrutin, il n’y eut pas de résultat ; au deuxième, il était nommé. Il se rangea à la Chambre parmi les libéraux. La nuance cléricale de Buffet l’éloignant, il vint prendre place à côté de moi, et depuis ne cessa d’être un collaborateur dévoué et un ami très cher. Il était rompu aux affaires, s’exprimait avec facilité, avait de la finesse et du bon sens et, en même temps, un courage peu commun. Aucune responsabilité ne l’effrayait, la perspective d’un péril l’attirait au lieu de le repousser. Grâce à ses façons d’une rondeur affectueuse, il vivait en bons rapports, même avec nos collègues les plus rétifs, et aucun d’eux ne prononçait son nom sans une nuance de sympathie. Il représentait dans notre ministère la génération nouvelle. C’était le gage de notre volonté de penser à elle et de veiller à son avancement.

J’allais oublier Parieu. C’est qu’en effet il a été notre collègue aussi peu que possible, nous surveillant d’un œil soupçonneux et ne nous assistant guère. Il n’avait aucun titre pour entier dans un ministère libéral. Durant tout l’Empire, il n’avait manifesté qu’une passion, une jalousie inquiète contre Rouher, qui tenait au contraste de leur carrière, et non à une divergence d’idées. Né en Auvergne comme Rouher, avocat comme lui à Riom, député avec lui en 1848, il s’était également associée la fortune du prince Louis-Napoléon ; mais tandis que Rouher gravissait les situations supérieures, lui restait dans les moyennes et il n’était pas encore sorti d’un rang secondaire au Conseil d’Etat, que l’autre remplissait de sa forte personnalité les ministères et la Chambre. Cela l’avait rendu sombre, amer, mécontent. Il avait