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l’artillerie et il était entré sans efforts dans la vie publique. Dès 1832, il prenait séance à la Chambre haute comme pair héréditaire. Il fut de cette noblesse bonapartiste oublieuse des Bonaparte, qui accepta Louis-Philippe comme l’héritier de Napoléon Ier, le servit avec fidélité et déplora sa chute. Cependant, trop d’anciennes traditions rapprochaient un Daru d’un Napoléon pour que des rapports ne s’établissent pas entre le comte Daru, envoyé comme député à l’Assemblée constituante et législative et le prince Louis-Napoléon, élu président de la République. Ces rapports devinrent familiers, et Daru, vice-président de la Législative, profita de son influence pour dissuader le président de la pensée d’un coup d’Etat. Il crut avoir réussi ; aussi fut-il très courroucé, à la nouvelle de l’événement du 2 décembre. Il resta à l’écart, étroitement uni dans les souvenirs et dans les colères à Tocqueville et Dufaure. Cette attitude lui valut, en 1860, d’entrer à l’Académie des Sciences morales et politiques, et d’être, en 1869, dans le Calvados, le candidat de l’Union libérale. Sa candidature fut combattue avec acharnement ; le préfet justifia ses violences en se retranchant derrière des ordres directs de l’Empereur. Quoi qu’il en soit, lorsqu’il s’agit de constituer le ministère libéral, c’est l’Empereur lui-même qui me l’avait indiqué. Daru était certainement incapable d’une arrière-pensée traîtresse, mais il vivait dans un monde ultra-orléaniste hostile, dont, sans s’en douter, il subissait l’influence. Et cela se traduisait par une inquiétude toujours en éveil vis-à-vis du souverain. De taille moyenne, la tête ronde, les cheveux blancs plaqués sur les tempes, une petite moustache sur la lèvre et une barbiche au menton, raide dans sa tenue comme un ancien officier, Daru avait dans son aspect quelque chose de militaire, de solennel ou plutôt d’important. A l’user, on le trouvait bonhomme, affable, d’une bienveillante courtoisie. Il avait de la culture ; pas assez pour se préserver de l’infatuation entêtée des esprits courts. Il en était resté au parlementarisme bourgeois de 1830, et les anathèmes du Syllabus ne l’avaient pas dépris du catholicisme libéral. Dirai-je qu’il était sûr ? Je ne voudrais pas dire non, et je n’ose pas dire oui : en effet, il avait une mémoire sujette aux éclipses, et, sans avoir jamais eu l’intention d’altérer la vérité, il lui arrivait de l’arranger à sa façon, sans en avoir conscience. Ses vieux amis le savaient et en plaisantaient.