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ne pas s’opposer à l’unité allemande, sauf, par le jeu habile des alliances, à en faire un stimulant et non un péril. Tous étaient imbus des idées de Thiers, de Rouher, de notre diplomatie, de ne pas permettre un nouvel agrandissement de la Prusse par le passage du Mein. Le programme ministériel fut donc réduit à ces termes : accepter sans arrière-pensée les faits accomplis en 1866 ; n’intervenir ni par des actes, ni par des paroles dans ce qui se passerait en Allemagne, soit dans le Sleswig, soit au-delà du Mein ; ne pas sortir d’une complète abstention tant que ne se produirait pas un événement nouveau sur lequel chacun gardait sa liberté d’opinion. Ainsi le présent était réglé et l’avenir réservé. Et afin d’être sûr que cette politique officielle ne serait pas contrariée par l’action personnelle de l’Empereur, il fut convenu que nous le prierions, s’il avait des correspondances particulières avec nos ambassadeurs, de vouloir bien les interrompre. Rentré chez moi, j’écris à l’Empereur : « Dimanche 2 janvier, quatre heures après-midi. — Sire, les pourparlers que j’ai eus ce matin après l’exigence de M. Magne ont abouti au ministère suivant que je soumets à l’agrément de Votre Majesté : « Sceaux, Justice et Cultes : Emile Ollivier. — Affaires étrangères : Daru. — Intérieur : Chevandier de Valdrome. — Finances : Buffet. — Guerre : Général Le Bœuf. — Marine : Rigault de Genouilly. — Instruction publique : Segris. — Beaux-Arts : Maurice Richard. — Agriculture et Commerce : Louvet. — Présidence du Conseil d’Etat : De Parieu. » Voici les raisons qui militent en faveur de cette combinaison : 1° Elle est dans les vœux de l’opinion à laquelle elle donnera satisfaction entière. 2° Elle est constitutionnelle, puisqu’elle contient trois des vice-présidens de la Chambre (Daru, Chevandier, Talhouët). 3° Elle supprime le principal argument des révolutionnaires contre votre gouvernement : le Coup d’Etat. Ce n’est pas un petit triomphe pour vous, Sire, après dix-huit ans de règne, d’avoir amené le vice-président de l’Assemblée législative de 1851 à s’asseoir dans vos conseils. Cette preuve de force produira un effet considérable ; ceux qui ne songent qu’à vous renverser l’ont si bien compris qu’ils n’ont reculé devant aucun moyen pour retenir Daru. 4° Les hommes inscrits sur cette liste sont des hommes de cœur et d’honneur dont aucun n’est capable d’une trahison. Le maréchal Vaillant ne fait pas partie du ministère nouveau. Un ministère inamovible et en quelque sorte privé dans un Cabinet mobile et