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on attendait avec impatience le discours que M. de Bülow ne manquerait pas de prononcer.

Nous ne dirons qu’un mot de la partie de ce discours qui se rapporte à la conférence de La Haye. On sait que l’Angleterre a ajouté une question, celle de la limitation des arméniens au programme que la Russie avait arrêté et proposé. Dès le premier jour, l’Allemagne a fait entendre que cette question lui paraissait oiseuse, et la Russie elle-même a reconnu que, dans les circonstances présentes, elle ne pouvait pas être résolue d’une manière pratique. La réserve de la Russie est prudente et sage. S’il est impossible de résoudre la question, il est peut-être inopportun de la poser. Pourtant, une discussion académique ne saurait devenir dangereuse si on ne se trompe pas sur son vrai caractère, et nous ne voyons aucun inconvénient à ce qu’on discute la question, ne fût-ce que pour montrer qu’elle est actuellement insoluble. M. de Bülow a déclaré que l’Allemagne ne prendrait aucune part à cette discussion : elle prendra part à toutes les autres, mais non pas à celle-là. Rien de plus net, et rien en somme de plus correct ; mais aux difficultés déjà si grandes qui s’opposaient à la solution du problème, l’abstention de l’Allemagne ajoute une impossibilité absolue. Comment aboutir à la limitation des arméniens lorsqu’une aussi grande puissance militaire refuse même d’en causer ?

Nous savons donc maintenant quelle attitude prendra l’Allemagne, et il était bon de le savoir ; mais, malgré son importance, ce passage du discours de M. de Bülow n’est pas celui qui était attendu avec le plus d’intérêt. La partie du discours qui est consacrée à la politique générale est d’une tenue parfaite. M. de Bülow s’est appliqué à rassurer l’opinion allemande et à dissiper ses craintes. A propos de la visite du roi Edouard à Gaëte, il a rappelé lui-même que, toutes les fois que l’empereur Guillaume avait fait une croisière dans la Méditerranée, il n’avait pas manqué d’aller rendre visite au roi Victor-Emmanuel : pourquoi s’inquiéter lorsque les autres font ce que nous faisons nous-mêmes ? Quant au Maroc : « Je n’aperçois, a dit le chancelier, aucune raison de trouble dans nos rapports avec la France ; mais, bien au contraire, j’espère voir disparaître peu à peu la défiance qui rogne entre Allemands et Français. » Acceptons-en l’augure : les incidens encore mal connus, mais inquiétans à coup sûr, qui se passent dans la région de Marakech rendent plus que jamais désirable que tous les Européens, dans leur intérêt commun, restent d’accord au Maroc. Avec l’Angleterre non plus, M. de Bülow n’aperçoit aucun motif de conflit. Si l’Angleterre règle les questions pendantes entre