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faisaient pas partie. La politique de M. de Bismarck avait consisté, d’abord, à entourer l’Allemagne d’alliés forts et fidèles, ensuite à maintenir des causes de discorde entre les autres puissances, et notamment entre celles-ci et la France. Il avait mis la Tunisie entre la France et l’Italie. Il s’était adroitement servi de l’Egypte entre la France et l’Angleterre. Il s’était appliqué, avec un art consommé, à empêcher tout rapprochement entre la France et la Russie. Il faut bien convenir que de cette seconde partie de la politique de M. de Bismarck, celle qu’on peut appeler négative, il ne reste à peu près rien ; mais la première, celle qu’on peut appeler positive, subsiste, et lorsque le gouvernement impérial affirme que la triple alliance est aujourd’hui ce qu’elle était hier, il énonce un fait contre lequel nul ne peut s’inscrire en faux. Nous n’avons rien fait, en ce qui nous concerne, pour détruire la triple alliance ; mais, après être resté longtemps dans un isolement qui était beaucoup plus complet, et surtout beaucoup plus réel que celui dont s’émeut l’opinion allemande, nous avons réussi à trouver un allié et des amis. La duplice a fait contrepoids à la triplice. L’Allemagne ne s’en est pas émue ; elle a reconnu le caractère pacifique de l’alliance franco-russe ; elle a rendu justice aux intentions qui avaient présidé à la conclusion de ce nouveau pacte. Triplice d’une part, duplice de l’autre, étaient à ses yeux les deux pôles d’une politique de paix. Peut-être avait-elle le sentiment qu’elle avait conservé à Saint-Pétersbourg des moyens d’influence assez efficaces pour que le caractère pacifique de la duplice ne fût pas modifié, et c’est de quoi nous n’avons jamais pris ombrage, car nous n’entendions pas, nous non plus, modifier ce caractère. Depuis, notre politique n’a pas changé, mais elle s’est développée : nous avons resserré nos liens d’amitié avec d’autres puissances. Notre rapprochement avec l’Angleterre est devenu si étroit que le vieux mot d’entente cordiale a paru le plus propre à le qualifier exactement : il est rentré dans le langage courant. Nous ne parlons pas de l’Italie : M. le prince de Bülow n’avait pas trouvé déplacé autrefois que nous fissions avec elle un « tour de valse, » et il est bien vrai que, depuis lors, nous en avons fait plusieurs ; mais nous avons respecté les engagemens de l’Italie, nous n’avons jamais cherché à l’en détourner. L’Angleterre, elle, n’avait d’engagemens avec personne ; elle se> vantait même, il y a quelques années, de son « splendide isolement » qui ne lui causait alors aucun souci ; elle s’est rapprochée de nous et nous nous sommes rapprochés d’elle sans que le resserrement de notre amitié ait, pour l’avenir, porté atteinte à notre liberté respective. Mais, certes, nous avions le droit d’user de cette