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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




Le Parlement est rentré en session le 7 mai, et n’a pas encore réussi à dissiper dans les esprits les confusions et les inquiétudes qui les assaillent, et dont nous avons, pendant les vacances, signalé les principaux symptômes. Au moment où nous écrivons, la Chambre des députés est aux prises avec plusieurs interpellations : bien qu’elles s’appliquent à des objets divers, elles se rapportent toutes à des préoccupations du même ordre. Où en sommes-nous ? Où allons-nous ? De quoi demain sera-t-il fait ? Tout le monde se le demande, et personne ne compte sur le ministère pour faire à cette question une réponse satisfaisante. Le ministère aura tout de même la majorité, peut-être même une majorité assez forte : il n’en restera pas moins très faible, et toujours à la merci d’un incident. Sa force n’est pas en lui-même, mais dans l’incertitude où l’on est au sujet de sa succession. Qui la recueillerait, si elle venait à s’ouvrir ? Nul ne le sait ; rien n’est prêt ; l’avenir est aussi obscur que le présent. Ce n’est pas de la confiance qu’on a dans le ministère : non certes ! on le tolère, on le laisse vivre, on attend qu’il soit complètement usé, ce qui ne saurait tarder d’arriver. Et, en attendant, on cherche à préparer autre chose. Jamais la nécessité d’un gouvernement sérieux ne s’est fait sentir davantage. Malheureusement les hommes manquent aux circonstances : de quelque côté qu’on se tourne, on ne voit rien venir, et on s’y résigne avec une philosophie qui n’est exempte ni de lassitude, ni de découragement.

Malgré ses infirmités morales, le ministère aperçoit fort bien le danger, et il fait quelques efforts pour le conjurer. Comment ne l’apercevrait-il pas du point où il est placé ? M. Clemenceau, comme il l’a dit un jour, a changé de côté de la barricade : il se rend compte de certaines nécessités de gouvernement auxquelles son esprit avait été longtemps fermé. Mais est-il bien l’homme le plus propre à