l’admiration du temps nous est-elle donnée par un autre portraitiste de génie, qui procède, lui aussi, par grands empâtemens heurtés et par effets soudains : je parle de Saint-Simon, en son portrait du maréchal d’Huxelles, qui ressemblait, dit-il, « à ces gros brutaux de marchands de bœufs, » et qui, grâce à sa lourde tête offusquée d’une vaste perruque, passait pour une bonne tête, « meilleure toutefois à peindre par le Rembrandt pour une tête forte, qu’à consulter. »
Voyez d’ailleurs les sobriquets qu’on impose, au petit bonheur, aux portraits de l’artiste : le Cuisinier de Rembrandt, la Crasseuse, etc. On le prend pour un auteur poissard ! C’est le style de Mme Angot et de Mylord Arsouille. Et cette impression vulgaire, cette odeur « peuple » qu’on lui trouve, sont certainement une des raisons qui le mettent à la mode, comme il est élégant d’aller souper aux Porcherons et d’écrire le jargon des Halles. Mais quel mépris pour la canaille, dans cette façon de s’encanailler ! Enfin, on continue de le juger très laid. On estime ses œuvres uniquement par amour de la chose bien peinte, et malgré le dégoût qu’inspire l’objet même. Gersaint, qui est l’auteur du premier catalogue des eaux-fortes du maître, ne peut pas s’expliquer son obstination à faire des figures nues : « Je ne crois pas, dit-il, qu’on puisse en citer une qui ne soit désagréable à l’œil. » Et Reynolds, à propos d’une étude de Suzanne : « C’est la troisième que je vois pour le même sujet. Et il est surprenant que l’auteur ait pris tant de peine pour accoucher à la fin d’une figure si affreuse et si disgraciée. Mais il s’intéressait surtout à la couleur et à l’effet. »
Aussi, dès qu’il se produisit une réaction contre les Ana-créons d’éventails et les érotiques de boudoir, Rembrandt se trouva-t-il de la première « charrette » avec le ci-devant Boucher, et pour les mêmes raisons que lui. Ils représentaient tous les deux, à des degrés divers, la corruption de l’art, le sybaritisme de la couleur. Ils étaient également éloignés du style simple, du beau simple, des formes simples. Ils étaient pareillement impurs. Et l’on sait comment cette recherche de la pureté conduisit à remettre en honneur des écoles archaïques. David trouvait déjà Phidias suspect de décadence ; et dans son atelier, dès l’époque du Consulat, il y avait un groupe de Préraphaélites. Les Préraphaélites n’ont jamais eu assez de sarcasmes pour Rubens et Rembrandt. Mais c’est surtout en Angleterre que leur